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de ma part était devenu indispensable. En ce moment
entre Pea qui arrive de Sava-lelo ; il nous apprend que
le coupable est un mauvais sujet qui avait déjà été
chassé d’Apia pour ses méfaits, qu’il s’est enfui dans
les montagnes après son crime, qu’on ne peut donc
pas nous le livrer, mais que les effets restés en son
pouvoir seront rendus demain matin. En conséquence,
Pea demande que l’amende des vingt-cinq
cochons soit réduite à dix seulement, en considération
de la pauvreté des habitants de Sava-lelo, et j’y
consens d’assez bonne grâce.
Du reste, le brave Pea montrait une grande indignation
contre le coupable, et paraissait même
disposé à l’assommer lui-même, s’il tombait jamais
entre ses mains, demandant au missionnaire s’il
n avait pas raison. M. Mills, avec son caractère, ne
pouvait raisonnablement admettre une peine aussi
sévère, surtout après un procès aussi sommaire, il se
contenta donc de répondre que le voleur, tout en
méritant un châtiment, ne devait cependant pas
pour cette première faute être mis à mort.
^ Pea meme dans son ardeur, m’offre de marcher à
1 instant avec les siens contre les habitants de Sava-
lelo ; mais je 1 invite à attendre au jour suivant, et
je lui promets de profiter de sa bonne volonté s’ils ne
tiennent pas leur parole, désirant que du moins ils ne
soient pas exposés à porter la peine du crime d’un
seul mauvais sujet.
Des six heures et demie du matin, les matelots
armes, avec tambour en tête, descendent à la plage
sous les ordres de MM. Demas et Thanaron, auxquels
se joignent divers officiers. Je donne l’ordre à ces
messieurs de se diriger sur Sava-lelo, et au bout d’une
demi-heure d’attente, si les effets volés n’étaient pas
livrés, ils devaient mettre le feu aux cabanes, puis
se retirer sur Apia, sans autres hostilités, à moins
d’attaques de la part des naturels. Tandis que M. Demas
serait occupé à incendier le village, M. Thanaron
devait se tenir sur la plage avec ses hommesrangés
en bataille, afin de prêter son assistance à M. Demas
dans le cas de circonstances imprévues. Enfin à bord
nous étions prêts à faire usage de notre artillerie si le
cas l’exigeait; mais grâces à Dieu, nous n’en fûmes
pas réduits à ces tristes extrémités, et quelques heures
après je fus heureux d’apprendre le récit des faits tels
qu’ils s’étaient passés, et que j’extrais ici du journal
de M. Demas.
« En arrivant à terre, je fis charger les armes, les
« sauvages étaient réunis mais non armés, et ils pa-
« raissaient animés de l’esprit le plus pacifique. Les
« jeunes filles souriaient à nos matelots 1 qui eux-
« mêmes faisaient leur possible pour avoir l’air le
« plus méchant du monde. Jè traversais ce peuple
<( à la tête de ma petite armée. Avec la baïonnette
« au bout du fusil, je marchais au pas de charge sur
« la case du roi. Le bonhomme était sur sa porte
« avec sa femme. Déjà je m’apprêtais à lui faire un
« discours fulminant. Je fis aligner mes hommes de-
« vantla maison de Sa Majesté, puis je sortis des rangs
« pour me saisir de sa personne ; mais Pea ne m’en