ducteur était'un chef. Si elle eût cédé à un homme d’une classe
inférieure, elle eût été également condamnée à perdre la vie.
L ’instant de regagner nos bâtiments étant arrivé , M. d’Urvillc
fit prier Tanoa de l’accompagner et de venir dîner avec lui à bord,
promettant de lui faire quelques présents qu’il avait oublié d’apporter.
Cette dernière considération le décida promptement, et
nous ralliâmes ensemble le bord de la mer.
En arrivant sur la plage, nous trouvâmes les naturels occupés
à échanger des casse-têtes, des lances et des arcs, avec les officiers
et les matelots ; comme nous avions rémarqué, lors de notre débarquement,
qu’aucun d’eux n’était armé, et que nous avions été
surpris de voir, dans une semblable position, des hommes qui ne
marchent jamais sans avoir la ceinture garnie d’un ou de deux
assommoirs courts et à tête ronde, nous pûmes alors avoir la clef
de cette déviation à leurs habitudes et nous apprîmes que le roi,
voulant nous donner une marque de sa grande confiance en nous,
et prouver combien il était certain que notre visite était toute d’amitié,
avait interdit à ses sujets de porter la moindre arme tant
que durerait la cérémonie; tous y avaient consenti de bonne
grâce, et ne les avaient reprises que pour les vendre contre des
couteaux, des colliers et surtout des dents de cachalot, ce dernier
article étant pour eux l’objet le plus précieux qu’ils puissent se
procurer, et pour lequel ils. donnent sans hésiter leurs armes de
guerre les mieux travaillées.
Dans toute cette journée, nous n’avions eu qu’un seul accident,
dont paf bonheur les suites ne donnaient aucune crainte.
Le fifre de la Zélée qui était en train de jo u e r , pendant le. trajet,
sur l’avant de la chaloupe, fit un mouvement qiii entraîna l’explosion
du pistolet qu’il avait à la ceinture ; le canon étant tourné
en b a s , la balle lui entra dans la cuisse gauche qu’elle pénétra
de quelques lignes pour en sortir à un pouce plus loin : cette
blessure que les cris de l’homme firent d’abord présumer grave
et dangereuse, n’était heureusement que légère et devait être ci-
'catrisée quelques jours après, ce qui effectivement eut lieu, ainsi
•que l’avait annoncé le médecin.
(M . Jacquinot.')
Note 35 , page 2i4-
On servit après un kava, qui fut préparé comme a Vavao, dans
un vase dont la grandeur dépassait ce que nous avions vu jusqu’alors.
Le grand-prêtre fut celui auquel la première coupe fut présentée
et successivement à chacun de n o u s , mais elle eut peu de
succès. Npus vîmes arriver avec plaisir, bientôt après, de grands
paniers pleins de bananes et de morceaux de cochon cuit enveloppés
dans de grandes feuilles de bananier, qui contenaient de quoi
régaler tous nos marins et une partie des assistants. On voyait
que Tanoa avait voulu agir avec grandeur et en roi ; plusieurs
personnes n’osèrent prendre part à ce festin, craignant que la
viande n’eût été cuite dans quelqu’un de ces vases qui servent à
préparer les horribles mets de ces cannibales. Tous les Vitiens
qui nous entouraient nous invitaient de l’air le plus attentionné
à suivre leur exemple. Bientôt après tout le monde se dispersa
dans le village et les échanges commencèrent avec la plus grande
confiance et le plus grand empressement des deux côtés ; de toutes
parts on apportait dès arcs, des flèches, des lances et des casse-
têtes de toutes les formes et d’une grande élégance ; nous vîmes
pour la première fois le prix attaché par ces naturels à là dent
de cachalot, ils ne refusaient rien pour elle.
Les femmes, d’un autre côté, voyant notre désir d’avoir de
ces ceintures artistement faites, qui constituaient leur unique
vêtement, en offraient de tous côtés en échange de colliers et
d’autres bagatelles, et étaient tellement avides de tous ces objets,
que celles qui n’en trouvaient pas d’autres à offrir pour le moment
aux amateurs, tiraient, en entrant dans leur maison, l’unique
vêtement qui couvrait leur nudité, sans que leur pudeur