« le crime. L’entreprise réussit au gré des désirs des
« uns et des autres. Le roi de Maroro échappa à la
« vengeance des naturels de Bivoua ; mais ses cul-
« tures furent ravagées ; beaucoup d’hommes furent
« tues de son cote, et toute son écaillé et ses perles
« passèrent à bord de Y Aimable-Joséphine.
« Tels sont les événements qui précédèrent la ca-
« tastrophe dont nous allons parler.
« Au retour du bâtiment français à Bivoua, tous
« les naturels furent débarqués ; cinq seulement res-
« tèrent à bord, travaillant comme matelots et à la
« solde du capitaine ; on mit à terre les voiles, les
« vergues et le gréement, afin de faire une répara-
« tion complète au navire.
« Il y avait à Bivoua un Français nommé Georges,
« que le capitaine Bureau y avait laissé à un de ses
« précédents voyages, avec 150 fusils, pour faire des
« échanges pendant son absence : il se trouva qu’il
« en avait dissipé les produits. Le capitaine très-mé-
« content fît mettre Georges au fers, mais Misi-Malo
« intercéda et promit de payer pour lui et le capi-
« taine le fit relâcher; il resta à bord et devint une
« des victimes.
« L’équipage du brick se composait du capitaine
« Bureau, du second Edouard, de Georges:, d’un
« matelot français, Clément, un matelot anglais,
« Charles, du cuisinier Antoine et du mousse Munos.
« Sur ces entrefaites, arriva à Bivoua, un roi
« beaucoup plus puissant que Misi-Malo, c’était
« Misi-Mara (M. Mara), roi de Bévon. Il vint s’établir
*« à bord et y resta trois ou quatre semaines, bu-
« vant, mangeant et faisant de grandes promesses
« au capitaine Bureau; mais quand celui-ci vit que
« le temps se passait et que toutes ces belles pro-
« messes ne se réalisaient pas, il prit de l’humeur et
« la témoigna à Misi-Mara. Misi-Mara s’en alla à
« terre, furieux de ce que le capitaine refusait de
« continuer de le nourrir et de lui faire des pré-
« sents.
« Dès ce moment, la perte du capitaine et de
« l’équipage fut jurée.
« Pendant les derniers jours que Misi-Mara passa à
« bord, les chefs venaient le voir fréquemment et
« avaient avec lui de longues conversations.
« Quelques jours se passèrent. Un matin, Misi-
« Mara parut à une certaine distance du brick avec
« 100 ou 150 pirogues. Le capitaine lui cria de mon-
« ter à bord, mais il s’y refusa, en disant que toutes
« les pirogues de l’île allaient à la pêche, afin de ra-
« masser beaucoup d’écaille et de bicha de mar (ho-
« lothuries) pour que le navire pût continuer son
« voyage à Manille. Le capitaine lui répondit que
« c’était bien et qu’il allait faire préparer un bon
« dîner pour l’attendre.
« A deux heures, aucune pirogue n’était encore
« revenue; à quatre heures, le capitaine se mit à ta-
« ble et en sortit un peu avant le coucher du soleil,
« très-mécontent de ce nouveau manque de parole
« de Misi-Mara, que celui-ci lui avait donnée pour
« la forme. Le reste de l’équipage était sur l’avant,