donné quelques coups de dents, semblent se débarrasser
de ce soin sur quelques individus qui viennent
s’accroupir devant le roi, et tout autour du plat, dans
lequel ils rejettent la racine de kava, après qu’elle
a été mâchée. Ces préparateurs ayant terminé cette
besogne, ils fixent le roi et le silence se rétablit. Celui-
ci fait avec la tête une espèce de signe affirmatif, et
aussitôt les préparateurs jettent de l’eau dans le plat,
et y mêlent avec la main la racine mâchée, dont ils
retirent ensuite le résidu avec des paquets de filasse
faite avec la fibre du coco.
Dès-lors, le kava semble terminé et prêt à être
distribué; mais l’étiquette exige que le roi s’assure
par lui-même que la préparation est bien faite; c’est
dans ce but sans doute qu’un homme, espèce de maî-
tre-d’hôtel de cette cérémonie sauvage, étend jusqu’aux
pieds du ro i, une corde longue d’environ 2 mètres
et qui est fixée au plat à kava. Tanoa, en effet,
qui sans doute trouve la liqueur ainsi préparée, trop
chargée en kava, donne l’ordre d’y ajouter de l’e au ,
et ensuite il le fait servir. C’est surtout dans cette
distribution que règne l’étiquette la plus scrupuleuse.
Le roi seul qui préside à la cérémonie, est appelé
à désigner l’ordre dans lequel elle doit avoir
lieu. La première coupe est toujours offerte au chef
le plus puissant; la deuxième appartient ensuite à
celui qui occupe le second rang, soit par sa naissance
, soit par sa puissance, et ainsi de suite, suivant
l’ordre des préséances. Si, à l’exemple de ce
qui se passe encore quelquefois en Europe parmi les
nations civilisées, le chef de l’état peut disposer à son
gré de la fortune et souvent de la vie de ses sujets,
quelle que soit la position qu’ils occupent, que d’ambition
ne doit pas réveiller parmi ces sauvages, la cérémonie
imposante du kava. Chacun doit attendre avec
une impatience indicible que son nom sorte enfin de
la bouche du despote, et avec quel bonheur ne doit-il
pas savourer cette coupe fortunée, qui souvent porte
avec elle la puissance et la grandeur.
Le kava une fois préparé, un homme en remplit
un coco qu’il tient à la main, et debout, le bras tendu
du coté du ro i, il attend 1 ordre de Tanoa. Alors une
espèce de héraut d’armes prononce quelques paroles
à haute voix qui, suivant la coutume tonga, doivent
être traduites ainsi : le kava est versé, ce à quoi le
roi répond par ceux-ci : Donnez-le à ***.
La première coupe fut présentée à un vieil homme
qui ne siégeait point au rang des premiers chefs. On
m’a dit que c’était une espèce de personnage, un
devin semblable au loui-tonga de Tonga-Tabou, qui
ne s’occupe nullement des affaires de ce monde;
mais qui y jouit d’une immense considération.
La seconde fut présentée au roi Tanoa qui se hâta
de me l’offrir ; mais le lecteur sans doute comprendra
facilement toute ma répugnance pour cette boisson,
lorsque surtout je venais d’assister à sa préparation.
Je m’empressai donc de l’échanger contre un verre de
vin que j ’avais apporté et Simonet but le kava en mon
lieu et place. Comme j’avais expliqué à Tanoa que le
vin était le kava desFrançais, il m’en demanda un verre
IV ,4
Octobre.