done les différences que lui-même fait pressentir? Krusenstern,
en parlant aussi des habitantes des îles Nuhiva, s’exprime en ces
termes : « Les femmes ont la tête belle, plutôt arrondie qu’ovale,
« de grands yeux brillants , le teint fleuri, de très-belles dents,
* les cheveux bouclés naturellement ; la teinte de leur peau est
« claire. » Mais alors, elles n’ont rien que les autres Polyné-
siennes 11 aient, si une peau jaune, mêlée d’un peu de brun, pas-
sant au rouge de cuivre, lorsque les passions ou un exercice violent
activent la circulation, peut être considérée comme claire et
fleurie. Il y a là évidemment un choix de mots qui veut charmer
sans se soucier de transmettre une seule idée bien arrêtée.
Deux remarques ressortent de tout ce qui vient d’être dit :
i° Forster, non plus comme simple historien , mais seulement
comme naturaliste, Péron , Labillardière, Chamisso, Lesson ,
Garnot, Quoy, Gaimard ont réuni d’immenses matériaux qui dorénavant
devront servir aux travaux d’ensemble qu’entreprendront
infailliblement leurs successeurs dans la noble carrière des
voyages aux découvertes, car un seul homme ne saurait tout voir,
tout apprécier à sa juste valeur. Mais il arrive une époque o ù ,
grâce à nos prédécesseurs , nous devons oser cè qu’ils ne durent
point essayer. Nous croyons que les généralités scientifiques sur
le Grand-Océan ont cessé d’être instructives ; c’est par une profonde
appréciation des choses dans leurs corrélations, que nous
pouvons espérer encore fixer l’attention. Nos maîtres ne nous
ont offert de tableaux bien circonstanciés que pour des points
épars, ils n’ont soulevé le voile que pour quelques parties de
1 ensemble, il reste a tout lier. Certes, nous ne pouvons prétendre
à compléter une pareille tâche ; mais, tel est l’esprit qui devra diriger
les études des navigateurs à venir : nos pères ont découvert,
à nous appartient surtout l’enchaînement des faits , la rectification
des erreurs et les considérations nouvelles. 2° L ’inutilité
des histoires pittoresques à l’e'gard de l’anthropologie , est manifeste
, et cependant l’on ne doit pas en accuser les rédacteurs.
de ces sortes d’ouvrages. En effet, le récit facile des événements,
des émotions d’une campagne, les moeurs des sauvages trouvent
plus de lecteurs que les lourdes dissertations de la science , auxquelles
la masse du public s’intéresse fort peu; d’un autre
côté, le but principal des circomnavigations est la géographie, et
ses exigences ne se plient pas toujours à celles de l’observation à
terre ; d’autres devoirs préoccupent sans cesse les chefs de ces sortes
d’expéditions.
On a souvent reproché à ces voyages leur immense étendue,
l’indispensable rapidité de leur passage à travers l’Océanie : grâce
au beau voyage que nous venons de faire, nous sommes à même
d’apprécier ces objections à leur juste valeur. Les collections rapportées
, depuis soixante an s , des diverses îles qui constituent
les mêmes archipels, assurent de l ’existence des mêmes plantes,
des mêmes animaux sur chacune d’elles ; d’un autre côté, notre
propre expérience nous a démontré qu’en se partageant les divers
genres de recherches et en gravissant les plus hautes montagnes,
l’on arrivait toujours, en troisou quatre jours, à posséder
une idée à peu près complète du sol de chaque localité et de ses
richesses scientifiques propres à la saison. La visite des points de
la côte diamétralement opposés à ceux que vous avez explorés,
beaucoup de temps employé à des relâches multipliées dans les
mêmes parages, ne compenseraient pas, par des découvertes, la
perte de temps qui résulterait de l’invariable constance des vents
alisés. Voir beaucoup de pays éloignés les uns des autres, les
voir dans des directions bien suivies et avec rapidité, afin de donner
le moins possible aussi aux chances des maladies, telle doit
être la devise d’un voyage aux découvertes. Ce que vous n’avez
point v u , souvent un autre l’avait déjà vu , et toujours ses écrits
démontrent que ces petites terres sont partout homogènes, et que
toutes celles d’un même archipel se ressemblent autant par letirs
productions que par leurs constitutions atmosphérique et géologique.