jfoût 1*ons de toutes les filles du pays. Le soir vers six
heures, comme je me promenais sur ma dunette, je vis
la chaloupe de la Zélée déborder de terre, conduisant
un chargement complet de filles. Aussitôt j’ordonnai
au timonnier de hêler cette embarcation, et quand elle
fut à portée de voix, je donnai l’ordre à l’officier qui
la commandait de reporter immédiatement au rivage
toute cette bande joyeuse, et de dire au commandant
Jacquinot que je voulais bien fermer les yeux sur la
présence des femmes à bord de nos corvettes, si toutefois
elles voulaient bien s’y rendre à la nage, mais
que je ne voulais pas qu’on aille officiellement les
chercher dans les canots. Cette complaisance eût été
en effet par trop grande, et ceux même qui en auraient
profité eussent été les premiers à me la reprocher.
Force fut donc de reporter à terre ces femmes
qui ne consentirent point à quitter la partie sans avoir
lancé toutes leurs malédictions contre moi et contre
Y Astrolabe. Peu à peu cependant elles s’étaient apaisées
et ne tardèrent pas à aller à la nage rejoindre leurs
amants à bord de la Zélée. Je crois qu’elles étaient
dirigées autant par l’appât du plaisir que par l’envie
d’augmenter leurs faibles profits qui souvent se réduisaient
à quelques chiques de tabac, tant elles étaient
peu exigeantes.
si. Patini me fait prévenir qu’il vient de lui arriver des
cochons, et que si nous le désirons elle pourra nous
en vendre. Aussitôt M. Ducorps va les v o ir, et
moyennant 20 livres de poudre, il en achète cinq destinés
à ravitailler nos équipages. L’un de ces animaux
pèse près de 200 livres. Je suis d’autant plus satisfait
de cette acquisition, qu’il paraît qu’à Taïti ces animaux
sont à des prix tellement élevés, que nous serons
peut-être forcés d’y renoncer. Cependant la viande
fraîche est la meilleure précaution à prendre pour
éviter à nos matelots de nouvelles attaques du
scorbut.,
M. Jacquinot a entendu parler d’une petite goélette
qui se serait perdue deux mois auparavant, commandée
par Hutchinson, et ayant quatre hommes pour
tout équipage. Comme Hutchinson évite de s’expliquer
sur ce point, il serait bien possible qu’il y ait là
dessous quelque mauvais coup ; mais après tout, ça
ne me regarde pas, et je laisse ces gens-là s’arranger
comme ils l’entendent.
On m’avait avantageusement parlé de l’étabissement
d’un jeune Américain adopté par le chef Yavai-Noui,
et qui s’adonnait avec zèle à l’agriculture. Je suis
charmé d’apprendre qu’un de ces individus s’était
livré à une vie laborieuse et utile plutôt que d’adopter
l’existence oisive de la plupart de ses confrères.
Aussi je descends avec MM. Jacquinot et Roquemau-
rel pour aller visiter cette petite habitation que l’on
voyait du navire. Elle est située tout-à-fait à l’ouest de
la baie; un enclos rectangulaire l’entoure.
L’Américain nous fait part de ses projets de culture
qui pourront être couronnés par le succès s’il a la
constance de les poursuivre. Il y a fort peu de temps
qu’il a commencé, et ses plantations se réduisent pour
le moment à quelques carrés de patates et à quelques