sation du chef, qui a soin de ne la donner qu’après avoir reçu un
présent convenable, pouvaient se livrer aux étrangers. Une seule
se trouvait dans ce cas lors de notre séjour, et exploita ainsi ses
charmes à plusieurs reprises.
Des cas de suicide ont quelquefois lieu parmi ces peuples, et le
village où nous étions avait été, il y a peu de temps, témoin d’une
pareille catastrophe. Une jeune fille avait été demandée en mariage
par un chef vieux et podagre; la demande équivalait à un
ordre qüi ne pouvait s’éluder. Larmes, prières, menaces, tout fut
employé inutilement par la victime auprès de son père, qui, de
son côté, devait rester insensible et inexorable, assuré qu’il était
qu’un refus lui coûterait la vie. Ne pouvant surmonter son
dégoût pour l’alliance qu’on lui proposait, la malheureuse prit
la résolution de se donner la mort, et l’accomplit peu après en se
précipitant du haut d’un roc élevé.
(M . Jacquinot.j
N o te 4 2 , p a g e 2 3 3 .
La colonie blanche établie à Lebouka se compose de huit matelots
anglais ou àméricains débarqués de divers navires , d’un
Sandwichien, d’un Taïtien, d’un nègre et d’un Baga/i provenant
de la même source, et formant, malgré la diversité de couleur et
de peau , une communauté chrétienne dont chaque membre se
désigne sous le nom d’Européen. Tous en Cette qualité jouissent
dans le pays d’une très-grande influence, sont consultés sur
tout, prennent part aux diverses guerres de la tribu, et, alliés par
le sang de leurs femmes à tous les chefs, sont les vrais seigneurs
du pays__
L ’existence de ces hommes offre réellement quelque chose de
bien singulier : possesseurs des plus belles maisons, ils mènent
dans le pays une vie oisive, sont nourris du travail de leurs femmes,
auxquelles ils se sont bien gardés délaisser perdre cette
NOTES. 399
bonne habitude de tout faire q u i , chez les Vitiens comme chez
tous les sauvages, est le lot de la femme dans la communauté. La
plupart d’entre eux ont adopté aussi celle des grands du pays, de
vivre dans la polygamie, et ont jusqu’à quatre femmes, qui paraissent
toutes heureuses et fort bien s’accommoder, ainsi que
leurs maris, de ce partage. Ces malheureuses ayant été habituées
dès l ’enfance, comme aux V iti, à être considérées comme une
marchandise qu’on échange contre un fusil ou quelques dents de
■cachalot, un Européen peut à peu de frais s’y monter un.harem.
Tout Vitiens que sont devenus ces aventuriers, ils traitent si bien
leurs femmes en comparaison des naturels, que celles-ci recherchent
beaucoup l’alliance des blancs, et se regardent comme très-
heureuses avec eux. Beaucoup d’entre eux sont établis déjà depuis
longtemps dans l’île, où s’élève une race de métis qui dominera
bientôt à Lebouka. Parmi ces enfants, il en existe plusieurs dont
les parents, en retournant en Europe, les ont confiés aux autres,
qui les ont adoptés comme les leurs. Les enfants, comme tous ceux
des blancs, n’ont reçu jusqu’à présent d’autre éducation que celle
de la nature; leurs pères, par une politique assez raisonnée, mais
néanmoins contre nature et odieuse, évitent même de leur apprendre
l’anglais, afin de formel1 toujours une même famille
parmi les indigènes, et de crainte que leurs conversations particulières
et leurs projets ne soient trahis par leurs propres enfants.
Tous paraissent malgré cela attachés à leurs enfants et ne croient
pas manquer envers eux à jeurs devoirs de pères. S’il n’y avait,
comme on le voit, que des Européens comme ceux-là pour civiliser
les sauvages, ceux-ci n’apprendraient pas grand’chose; aussi
les missionnaires, quoiqu’on les accuse beaucoup, leur rendront
un grand service en s’établissant dans les Viti. Habitués comme
le sont aujourd’hui les habitants de Lebouka au commerce des
Européens, ce lieu paraît une station convenablement choisie
pour eux. Les obstacles qu’a rencontrés jusqü’à ce jour le missionnaire
de Reva proviennent de la résistance des chefs qui,