avait fait soumettre à une espècé de torture en les faisant attacher
par le corps entre deux bambous et les soumettant ainsi à l’aide
d’un tourniquet à une pression fort douloureuse. Ce moyen bai-
bare, peu en harmonie avec les institutions libérales qui sont
censées la base du gouvernement taïtien, est presque toujours
infaillible, et les chefs, qui connaissent en général fort bien leur
monde, en usent avec une sagacité qui prévient les méprises
fâcheuses. Le chef Pewewe était tombé du premier coup sur le
voleur. Il fut sévèrement châtié de coups de bâton, moyen dur et
sévère, mais qui, comme on est obligé de le reconnaître avec
peine, est le seul frein qui puisse arrêter de pareils hommes.....
On a reconnu depuis longtemps l’aptitude du sol de Taïti à
produire la canne à sucre : des spéculateurs l’y ont naturalisée
et y ont déposé le germe de la prospérité à venir. Depuis longtemps
deja, des navires se sont procurés des cargaisons de cette
denrée précieuse, et elle fait aujourd’hui, avec l’huile de coco,
le principal objet d’exportation. Cette culture eût acquis de
l’accroissement, si l’indolence des habitants, qui fait manquer
les bias, n était venue s y opposer. Emancipés comme le sont
aujourd hui les Taitiens, ce n’est qu’à la longue et par un autre
système d’établissement que celui qui existe aujourd’hui, qu’on
peut espérer les amener a travailler en leur créant des besoins
autres que les besoins grossiers de leurs sens; si les missionnaires,
au lieu de les admettre si vite dans le giron de leur église, pour
faire mon ter plus haut le chiffre de leurs convertis, s’étaient plus
attaches a leur inspirer le goût du travail, ils y eussent peut-être
réussi à l’époque où ils avaient tant d’ascendant sur eux. Et
1 amour du travail eût remédié beaucoup plus facilement à leurs
vices naturels de l’état sauvage et la dissolution native dans
laquelle ils ont continué à vivre, que les ridicules pénalités insérées
sous leur patronage dans le code des lois taïtiennes.
Mais dans l’état actuel de la population, combien cette tâche
n’est-elle pas devenue difficile? Les Taitiens ne connaissent plus.
leurs instituteurs seulement par les bienfaits qu’ils en ont reçus;
ils ont découvert en eux une tendance au despotisme, et
des idées d’intérêt tout-à-fait mondaines , beaucoup trop apparentes,
et le prestige de leur influence a été détruit. Déjà les chefs,
fatigués de leur joug, cherchent l’occasion de s’en affranchir;
ils Osent poser la question de l’utilité de leur pi’ésence dans l’île
toute convertie, et dans l’état de faiblesse du gouvernement de la
jeune reine, il est à craindre que bientôt ils ne fomentent une
révolte générale,contre lui et ne réussissent à le renverser et à
usurper le pouvoir à sa place. Quelque fondé que soit le mécontentement
de ces chefs, une pareille révolution serait probablement
ce qui pourrait arriver de plus malheureux dans cette île.
Car le premier usage que feraient de leur autorité ces chefs,
serait probablement d’abolir le peu de lois sages qui mettent
aujourd’hui quelque frein à la satisfaction de leurs penchants désordonnés,
telle que celle qui défend dans l’île l’introduction des
liqueurs spiritueuses, et dès-lors le peuple ajouterait à d’autres
vices les habitudes de s’enivrer qu’on a voulu prévenir, et tomberait
tout-à-fait dans l’abrutissement. Cette société se trouverait
alors dans le désordre et l’anarchie la plus ' grande, et il est a
présumer que l’Angleterre, qui sait si bien tirer parti de la propagation
de sa foi pour agrandir sa puissance, et dont les sujets,
propriétaires de certaines parties du so l, sont à peu près les
seuls qui aient de grands intérêts dans l’île, saisirait le prétexte
de la nécessité de les protéger et interviendrait en faveur du gouvernement
de la reine, qu’elle étoufferait bientôt sous sa protection
écrasante. Les Taitiens perdraient à tout jamais leur nationalité
ét leur liberté dont ils ont si peu su profiter en dépit des
récits de certains voyageurs, qui ont la naïveté d’offrir à l’Europe
leur gouvernement et leur code comme un modèle. La société
taïtienne, constituée comme elle l’est aujourd’h u i, ne paraît pas
devoir rester à jamais indépendante , si la France et l’Amérique,
qui ont intérêt à conserver sa nationalité pour leur navigation