premiers jours de nous envoyer des femmes à bord ; on les refusa
naturellement ; mais ils furent plus heureux dans leurs offres à
terre , et nos marins qui ne trouvaient que des cruelles, parmi les
chrétiennes dApia (chose qu’il faut dire à leur louange, car
quelque obsédées qu’elles fussent, elles se montrèrent toujours
inexorables) se prêtèrent à.ces propositions avec la plus grande
facilité. Ces honteux marchés se traitaient depuis notre arrivée
chaque jour à terre sur la place même; mais ils n’avaient leur
effet que sur le terrain neutre. A côté de cette prostitution , la
retenue des femmes d’Apia était vraiment exemplaire, elles répondent
toujours par le tabou des missionnaires aux sollicitations les
plus pressantes ; mais leurs voisines qui se sont montrées toujours
rebelles à leurs enseignements, en se jettant dans les bras
des marins, n’étaient plus mues, comme par le passé, parla passion
ou par un caprice, mais par leur cupidité honteuse où celle
de leurs parents.
Si toutes les femmes d’Apia se montrèrent pénétrées de la nécessité
morale de vivre dans la plus grande retenue, nous fûmes
souvent a même de voir néanmoins combien était superficielle
encore, chez tous ces indigènes, la doctrine du christianisme qui
établit la moralité des actions. Aucun n’avait encore renoncé
a leurs chants et a leurs danses lascives faits pour exciter à
la volupté; ils s’y livraient encore, sans croire rien faire de contraire
à la nouvelle loi. Nous eûmes à plusieurs reprises des représentations
de ces chants qui étaient a peu pr.èscomme a Nouka-
Hivaet a T a iti, familiers à l’enfance, et excitaient jadis dans les
réunions du soir du Fraé-Toré, les plus grands désordres......
Pendant mon séjour., j ’obtins de M. Mills , quelques renseigne- .
ments sur les phénomènes physiques qui se sont passés dans ces
îles depuis quatre ans qu’il y réside, qui ont d’autant plus d’intérêt
qu’il les a observés avec les yeux d’un homme instruit et
avec connaissance de cause. Il m’apprit que le 7 septembre 1823,
entre huit et neuf heures du matin , on avait ressenti dans l’île
plusieurs secousses horizontales de tremblement de terre, dont
la direction fut de l’E. N. E. à l’O. S. 0 ., et qu’antérieurement,
le 7 novembre 1837, on avait éprouvé dans toutes les îles une
marée extraordinaire qui avait inondé les cultures dè plusieurs
villages, et que les secousses de tremblement de terre étaient assez
fréquentes dans tout l’archipel. Les naturels de Samoa, qui y
sont habitués depuis longtemps, n’en sont nullement effrayés.
Leur manière de bâtir les met à l’abri de leurs effets. Jadis ils les attribuaient
à un de leurs dieux, qui ayant perdu le bras droit dans
un combat, remuait la terre avec son bras gauche. Leurs îles, entièrement
volcaniques, ne renferment aucun volcan en activité
et comme la végétation s’est emparée des sommets de toutes les
montagnes, à moins de parcourir le pays dans tous les sens et de
l ’examiner evec soin, on ne trouverait pas de traces des volcans
modernes. Rien dans leurs traditions n’indique qu’il en ait existé
sur l’île Opoulou, si ce n’est qu’on donne à une montagne de l ’est;
un nom qui veut dire stérile, quoiqu’elle soit entièrement couverte
de végétation. Les phénomènes des éruptions volcániques
ne leur sont cependant pas étrangers, car ils supposent dans
toutes les îles , qu’il existe dans le N. 0 . de Samoa une petite île
constamment en feu. Aucun volcan n’existe cependant dans cette
direction, et pour trouver un fondement à cette tradition, on est
obligé de supposer que si la prétendue île en feu n’est pas un objet
de pure convention de quelques-uns de leurs prêtres q u i, en
voyageant, auraient vu des volcans dans les Tonga, elle est le prb*-
duit de quelque volcan sous-marin , qui après avoir brûlé qùeh
que temps au-dessus des eaùx, à fini par d isparaître, en croulant
sur sa base, et n’est plus aujourd’hui qu’un des nombreux récifs
connus dans ces mers, ou qui restent encore à découvrir.
(M . Dubouzet.')