39« NOTES.
train de réparation ; étant malheureusement dépourvus de hrai
et de goudron, ils ne peuvent l’achever et la mettre à la mer, et
craignent avec juste raison qu’elle ne finisse par dépérir. Nous ne
pûmes venir à leur aide, étant nous-mêmes presque entièrement
au bout de nos provisions.
Lors de la visite que nous fîmes à la case de T esprit de Leboukay
nous étions accompagnés par un Européen qui écorchait un peu
le français, et qui, tant bien que mal, remplissait les fonctions
de cicérone. Parmi les détails qu’il s’efforcait de nous donner, il
énonça une circonstance que nous eussions admise comme tout'
le reste, sans l’idée qui nous vint d’en faire aussitôt l’expérience,
ce qui nous donna la preuve que toutes les paroles de notre conducteur
n’étaient pas paroles d’évangile. Nous racontant avec
beaucoup de sang-froid qu’il était défendu d’éternuer dans l’intérieur
du temple, il affirmait que si cet accident arrivait par ha sard
à quelque na tu re l," tous déserteraient à l’instant, et n’y
rentreraient qu’après que le coupable aurait expié sa faute par un
châtiment que lui infligerait le prêtre. Curieux de nous assurer
du fait, l’un de nous sortit immédiatement sa tabatière, et se
mettant en train de priser, il excita, par cela même, les sauvages
qui nous entouraient à lui demander du tabac et à l’introduire
dans leur nez, ainsi qu’ils venaient de le lui voir pratiquer; l’effet
en fut prompt et immédiat : trois ou quatre éternuements partirent
avec éclat, sans produire le moindre trouble parmi les assistants,
qui ne bougèrent pas de leurs places et qui ne firent qu’en
rire. Tous nos regards se portèrent alors sur le conteur, qui, conservant
un calme imperturbable , se contenta de nous dire que
notre présence seule empêchait les naturels de suivre l’habitude.
Mieux eût valu nous lancer cet adage : Faites comme si je ri avais
rien dit.
Une muraille de pierres sèches , haute de cinq pieds environ,
entoure le village de Lebouka et'le défend du côté de la mer ; en
dedans de ce rempart, et de distance en distance, régnent dçs.
plate-formes en terre sur lesquelles se placent les archers en cas
d’attaque. Un autre village que nous visitâmes, à environ un mille
dans le S. 0 . du premier , contenait également quelques travaux
de défense ; l’entrée était protégée par trois portes qui, faites avec
des branches d’arbres entrelacées, et séparées de quelques toises
l’une de l’autre, pouvaient au besoin se barricader et arrêter
l’ennemi pendant quelque temps.......
Entre les récifs et la côte, la mer paraît peu poissonneuse, et
tous nos efforts pour la pêche furent presque entièrement infructueux
; cependant, comme j ’eus occasion, en plusieurs circonstances
, de voir des femmes occupées à nettoyer de très-beaux
poissons, il est probable qu’en dehors il y a des bancs qu’un plus
long séjour nous eût appris à connaître, et sur lesquels nous
eussions été plus heureux......
Lors de nos premières promenades à terre, il nous était arrivé
de demander à acheter des cocos ponr nous rafraîchir, et nous
avions reçu pour toute réponse le mot tabou. Étonnés d’une cir-*
constance dont nous n’avions jamais eu d’exemple, nous en demandâmes
la raison, et nous apprîmes q u e , dans un combat qui
avait eu lieu quelque temps auparavant, un chef monté sur un
cocotier pour mieux découvrir l’ennemi et lui adresser ses flèches,
y avait été tué , et que, depuis celte époque, le tabou avait été
mis sur tous les cocotiers qui se trouvaient entre les deux ruisseaux
qui limitent le village; L ’interdit n’avait heureusement pas
lieu pour nos matelots q u i , engagés par les naturels eux-mêmeS
à aller en cueillir, usèrent largement de la permission, et dépouillèrent
une grande quantité de ces arbres......
S’il faut ajouter confiance aux Européens qui sont fixés à Le-
bouka, les filles se marient quand elles sont nubiles ; les hommes
ne peuvent cohabiter avec les femmes que lorsqu’ils ont atteint
l’âge de dix-huit à vingt ans. Les tentatives de plusieurs personnes
de l ’expédition pour obtenir les faveurs du beau sexe furent
sans succès ; seulement nous sûmes que les veuves, avec l’autori