sement chargé son grog ce jour-là. Ces lois du digne capitaine
nous ont bien amusés ; mais elles ne sont pas moins obligatoires
pour le pauvre diable de navire marchand qui a besoin de se ravitailler;
la grande partie du temps, ces dollars reviennent aux
missionnaires. Quelle infâme race!
( M . Damas. )
N o ie 2 3 , p a g e i a 5 .
Nous n’avions encore rien vu jusqu’ici de comparable à l ’île
Opoulou. La belle Taïti est détrônée, Opoulou est bien plus
belle et cela se conçoit. Il y a beaucoup plus de plaines, les montagnes
sont moins escarpées, la végétation a plus de développement.
Rien n’est beau comme le chemin qui va dans l’intérieur et
passe auprès de la petite cascade, en suivant à peu près la rivière.
Ce sont des arbres gigantesques plus hauts que les palmiers, et
très-variés, des bois sombres où chantent une masse de jolis oiseaux
, des pigeons, des colombes, une jolie perruche rouge et
verte, des martins-pêcheurs, des picaflors, etc. De grandes lianes
pendent du sommet des arbres; c’est tout-à-fait une grande nature.
Il y a une masse de villages dans l’intérieur. L ’île est divisée
en plusieurs grands villages soumis à un chef, ce qui forme
autant de tribus différentes.
Quand un chef se mariait, avant les missionnaires, il y avait
une cérémonie assez curieuse. La femme était placée sur une natte
blanche devant le peuple. Si le chef montrait la nalte au public
avec les preuves que sa future épouse avait sa virginité, il y avait
une salve d’applaudissements, tandis qu’au cas contraire, la
femme était repoussée et chassée ignominieusement.
( M. La Forge.}
Note 2 4 , page 125.
Quelques misérables pirogues qui avaient attendu que nous
fussions mouillés pour quitter la terre, vinrent nous apporter des
cocos. Elles étaient montées chacune par deux ou trois hommes.
En voyant ces frêles embarcations, j ’étais conduit naturellemen t
a me demander si c’étaient bien là les mêmes sauvages que Bougainville
avait appellés les navigateurs, si c’étaient bien ces mêmes
hommes qui conduisaient avec tant d’habileté ces grandes et belles
pirogues qui allaient chercher si loin au large les navire de Bougainville
et de Lapérouse, pour les accompagner au mouillage.
Aujourdhui je ne retrouve, ni les mêmes embarcations, ni les
mêmes hommes, et j ’aurais cherché vainement ce même empressement
qui portait jadis ces enfants de la nature à courir au-devant
des étrangers qui venaient les visiter. Mais quelle est la cause de
tous ces changements? Ne doit-on pas s’en prendre à la civilisation,
qui fera aux îles des Navigateurs (Samoa) ce qu’elle a fait
àT aiti, d’une peuplade active, entreprenante, hardie et guerrière,
un peuple m ou , abruti et vicieux. Quatre ou cinq années seulement
se sont écoulées depuis que les missionnaires ont pris possession
de ces île s , et déjà ils ont acquis un ascendant étonnan t
sur 1 esprit des habitants ; ils ont changé leurs moeurs , leurs habitudes,
et qu’y ont gagné ces misérables ? rien ; car leur vie ne
s’est pas améliorée en apprenant à chanter des psaumes ou en lisant
des versets de la Bible, et personne ne leur a enseigné à mieux
cultiver 1igname ou le taro. En voulant faire des convertis on n’a
pas cherché a en faire des hommes, ou plutôt les misérables qui
sont venus parmi eux, sous le titre de missionnaires, p’y sont venus
que dans le but d’y satisfaire un intérêt personnel. Ils ont
employé ces insulaires a leui’ construire des cases vastes, commodes
et agréables pour eux et leurs familles , ils leur ont fait
cultiver des jardins qui leur produisent des légumes d’Europe,