à terre, avait été obligé de passer la nuit à bord, ce qui m’avait
beaucoup gêné. Mais le tayo, comme toutes choses de ce monde,
a ses ennuis. La difficulté de le comprendre me rendait fort
difficile de prévenir ses besoins. Je le revêtis provisoirement
d’une chemise et je lui prêtai un manteau, qu’en dépit de la chaleur
il ne quitta plus un instant. Taut à bord attirait son atten-.
tion, il quittait notre table.pour aller à celle des matelots goûter
leur biscuit et leur nourriture; il agissait en cela suivant l’habitude
de son pays, ou les distinctions sont si peu marquées. Ici,
dès que l’on commence le repas dans une habitation, tous les.
assistants quels qu’ils soient peuvent y prendre part sans èn être
priés. Ses grands amusements, pendant ses heures de. loisir,
étaient de chercher à surprendre les coqs dans nos cages, et leur
arracher les plumes de la queue......
Guidés par Matéomo, nous franchîmes un joli ruisseau qui
serpente entre deux collines sur un lit de basalte et sépare le
village de Nouka-Hiva proprement dit de celui de Poutua, habité
par la même tribu. Je remarquai cependant dans les yeux de.
Matéomo, dont les traits commençaient à s’épanouir et expri-
maient la joie et le contentement, qu’il établissait une différence
et qu’il approchait du foyer domestique. Tous les naturels que
nous rencontrions alors et ceux devant les habitations desquels
nous passions, lui donnaient des marques d’intérêt auxquelles,
en ma qualité de tayo, je prenais part. Il l’expliquait à chacun,
et je m entendais appeler de son nom. On eût d it, à voir le plaisir
avec lequel on le revoyait, que c’était la première fois qu’il passait
une nuit hors de la demeure de ses pères. Avant d’arriver chez
1 ui, je remarquai, comme dans le premier village, plusieurs grands
carrés dont le sol a été aplani et qui sont entourés de petites
murailles et pavés de grandes dalles qui ont dû servir d’emplacement
à de grandes habitations qui n’existent plus. Elles
pie firent penser que les deux villages avaient été beaucoup plus
considérables autrefois, et qu’ils avaient sans doute été saccagés,
par les tribus voisines. Car partout où l’homme habite, on voit à
côté de ses constructions les ruines qu’il a enfantées dans sa
colère et des traces de guerre et de destruction. Pendant que
j’étais à examiner ces ruines, un naturel revêtu d’un costume
tout particulier, et armé d’une grande massue arrondie, dont la
poignée était ornée d’un bouquet de cheveux, vint accoster Matéomo
d’un air amical, et après avoir lancé sur moi avec promptitude
un regard scrutateur, ses yeux, qui se tournèrent vers lui,
parurent lui demander qui j’étais. Satisfait de la réponse, il nous
invita a entrer chez lui, ce que nous acceptâmes aussitôt. J’appris
qu’il se nommait Vavanoua et était fils d’un ancien chefdePoutua.
Il était revêtu en ce moment du costume complet du guerrier nou-
ka-hivien. Sa tête était ornée d’une espèce de croissant en forme de
hausse-col et garni de petites graines rouges enchâssées dans uu
ciment résineux, qu’il portait autour du front, à la naissance des
cheveux, comme un diadème. De tous les points delà bordure partaient
en éventail de grandes plumes noires, luisantes, placées symétriquement
et rayonnant dans tous les sens, qui flottaient avec
une grâce toute particulière au gré des vents. Ses oreilles étaient
cachées par des morceaux de moëlle de palmier, taillés de manière
a en imiter la forme extérieure, en doublant toutes les dimensions
et qui étaient fixés devant par des appendices qui embrassaient
l’attache et s’étendaient perpendiculairement aux joues de chaque
côté. Il portait à son cou une espèce, de collier en fer-à-cheval,
formé de plusieurs morceaux de quatre à cinq pouces du même
bois, réunis par de petites chevilles et taillées de manière à pouvoir
s’assembler circulairement. Ce collier était aussi entièrement
recouvert des, mêmes graines rouges et semblait destiné à parer
les coups portés par l’ennemi dans le combat. Un morceau de
tapa était jeté négligemment sur ses épaules et à part la ceinture
étroite qui lui entourait les reins, on n’apercevait sur tout le
reste du corps qui était entièrement n u , que ces dessins de tatouage
si admirablement faits ,qui distinguent tous ççs insulaircs.