1838. montra la case qu’occupait le missionnaire. C’était
un des plus beaux édifices de la vallée qui, par sa position
et ses dépendances, devait être jadis une demeure
fort agréable. Les naturels, disait Hutchinson,
ne faisaient aucun cas du missionnaire; mais ils cherchaient
surtout à lui enlever le peu d’objets européens
qu’il possédait. Ils employaient toute leur adresse pour
se munir de papiers et de livres, dont ils se servent
pour fabriquer des cartouches, et dont pour cela ils
sont fort avides. Ils ne connaissaient aucun obstacle
lorsqu’il s’agissait de saisir ces objets, ils enlevaient
les portes et détruisaient les murailles de bambous et
même celles de pierres , lorsqu’ils ne pouvaient pas
les franchir. Quelques naturels séduits par les charmes
de la femme du missionnaire, cherchèrent à s’en rapprocher,
mais ce saint apôtre ne voulut point pousser
la charité jusqu’à l’oubli de ses droits comme époux,
et il finit par trouver par trop indiscrets ces bons
sauvages si indifférents de leur côté sur les actions de
leurs propres femmes et qui ne concevaient pas trop
les répugnances du mari.
Un peu plus loin, Hutchinson me montra la demeure
de Nia-Hidou, son patron, et l’un des trois grands
personnages de la baie. Je me proposais d’aller lui
rendre ma visite, mais à notre approche ce valeureux
chef avait décampé, et malgré les cris de notre guide
américain qui l’appelait de toutes ses forces, il se montrait
peu empressé de paraître devant nous. Enfin
d’un petit bois à'Hibiscus, où il s’est réfugié, il se hasarda
à répondre à Hutchinson. Il fallut toute la rhétorique
de notre Américain pour déterminer ce malheureux
à nous attendre. Je le trouvai au milieu de
ses femmes et de ses enfants, tout tremblants à notre
approche. Pour apaiser leur frayeur, je leur fis
quelques cadeaux ; mais je fus bien vite convaincu
que le meilleur moyen était de m’éloigner ; c’est ce
que je fis.
Partageant les inquiétudes de ses compatriotes, le
pauvre Nia-Hidou s’était sans doute persuadé que
je venais rétablir Mouana sur le trône, et les missionnaires
dans l’île, et que pour premier acte d’autorité
je venais saisir sa personne pour la mettre en lieu de
sûreté. Nia-Hidou est un homme d’une quarantaine
d’années. Sa tournure est commune, sa taille peu
avantageuse et sa physionomie un peu niaise. Je
doute fort que cet homme ait jamais été un grand
guerrier, et il est heureux pour lui que sa naissance
1 ait placé dans une position élevée; car il est probable
qu’il ne se serait jamais beaucoup élevé par son mérite
personnel. Sa cabane, construite suivant la forme
adoptée dans ce pays, offrait cependant quelques commodités
et un certain commencement de confortable
européen, quelle devait sans doute au goût d’Hutchin-
son, le conseiller de Nia-Hidou.
Enfin, je reviens le long du rivage, qui sauf quelques
plages de sable, est presque entièrement couvert
de gros galets, ce qui en rend l’accès peu facile pour
les embarcations. Quelques groupes de naturels, presque
entièrement composés d’hommes, s’occupent sur
la grève, les uns à prendre le frais, les autres à