nir , est bien vague , et ce n’est point par de pareilles généralités
que l’on peut parvenir à se faire une idée nette du panorama vivant
de l’Océanie : car là, comme partout, notre espèce y éprouve
des vicissitudes d’organisation qui dépendent des lieux, de l’air,
et c’est celte liaison de cause et d’effet qu’il faut apprécier, pour
ramener l’homme à son caractère primitif. C ’est, en effet, le seul
moyen de le retrouver tel qu’il était originairement, qu’il se soit
dégradé ou qu’il se soit perfectionné ; c’est aussi le seul moyen de
s’expliquer les variétés dont on-a fait autant de races , dans une
même race. Mais qu’attendre de, ces descriptions élastiques qui
s’appliquent indifféremment à tous les groupes de cette immense
division océanienne, que l’on nomme Polynésie, et qui se répètent
imperturbablement pour chacun d’eu x ! Ils sont beaux
hommes, forts; leur figure est belle, expressive, leur nez effilé ,
souvent aquilin... Ces portraits en raccourci, qui ne forcent pas
l’auteur à une parfaite exactitude ; ces gravures où se développe
Je talent de l’artiste, qui dessine parfaitement l’académie, mais
qui n’attache aucune importance à la ressemblance, font autant
de mystifications. Que d’Eve d’opéra et de nymphes au bain nous
ont été reproduites, avec un léger tatouage, sous le nom d eT a ï-
tiennes, de femmes des Mendoces , que de tableaux charmants
sont venus se grouper autour de ces descriptions et de ces figures
mythologiques, de ces généralités idéales! Personne, plus que
nous, n’eut le droit de se plaindre de ces licences poétiques , car
malgré nos restrictions mentales, nous n’avons pas échappé au
chagrin de la désillusion. Comment en effet résister à ces brillants
mensonges « à ces dehors enchanteurs, à ces rencontres
aussi inopinées que ravissantes d'innocence, et de séduction, » finales
obligées de toute description de paysage ou d’assemblée ! En
vérité ces fadaises vous dépravent le g o û t, le bon sens et l’on
finit par y croire un peu à son insu. Au reste , cette manie de
mêler le charme du roman à l'histoire n’est point nouvelle parmi
les voyageurs : le vieux Q uiros, en i 5g5 , lui payait déjà un
làrge tribut d’illusions; il d it, en parlant des Mendoirennes :
« La régularité àe. leurs traits, lu finesse de leur ta iile e l la beauté
de leurs mains leur feraient donner la préférence sur les plus/o-
lies femmes de Lima. » Bougainville, dont le style est au moins
élégant et pur, s’abandonna aux prestiges de son imagination et
aux sentiments de l’indulgente reconnaissance. Cook, lui-même,
n’est point à l'abri du même reproche quand il décrit les scènes
de Tard. Forster et Krusenstern , quoique moins admirateurs,
n’échappent point complètement à cette tendance de sacrifier toujours
la vérité à la fraîcheur du tableau; ils glissent vaguement sur
les imperfections et ne tarissent plus sur les perfections ; l’effet pittoresque
y gagne, mais la vérité est tronquée. Forster dit des Taïtiennes
: « Leurs yeux sont grands , vifs et étincelants ; elles
ont le visage plus rond qu’ovale , leurs traits sont d’une symétrie
extraordinaire et embellis par un sourire qu’il est impossible de
décrire.» S i , pourrait-on répondre ; décrivez-nous ces traits'
symétriques, entourés d’un ovale presque ron d, et j ’y placerai
peut-être un joli sourire. Il continue : « Le corps, au-dessus de
là ceinture, est bien proportionné , ses contours ont un charme
et une grâce inexprimablé... Les femmes sont belles pour l’ordinaire
et elles ont même des formes délicates: leurs bras, leurs
mains et leurs doigts sont si potelés et si beaux, qu’ils ne dépareraient
pas la Vénus de Medicis. » Les mêmes éloges se repi’ésen-
tent en faveur des femmes des Mendoces, et cela, dans les mêmes
termes. Aussi, bien que Forster commence par dire que les Nuhi-
viennes sont, après les Taïdennes, les représentantes de la plus
belle race féminine océanienne , on ne sait cependant point en
quoi les unes sont supérieures aux autres, ni pourquoi ces dernières
sont inférieures aux premières. Ainsi, quand il décrit leur
figure, les détails manquent et rien n’èst suffisamment explicite ;
il ne devient posiüf qu’en parlant des bras et des mains, qui sont,
en effet, remarquablement beaux ; mais qui se montrent ainsi
chez toutes les femmes de la race rouge ou mongole. Où so n t