sements de l’île, et son mouillage est beaucoup plus
sûr que celui de Matavai. Toutefois, comme une des
raisons principales qui me conduisent à Taïti, est
d’avoir un lieu dont la position géographique bien
déterminée, puisse servir à régler sûrement nos
chronomètres, je donne la préférence à la pointe
Vénus, considérée avec raison en hydrographie
comme le point dont la longitude est le mieux déterminée
de toute l’Océanie. Je n’ai, du reste, qu’un séjour
très-court à faire dans l’île, et pour plus d’une
raison, je ne suis pas fâché d’être un peu éloigné de
la capitale.
Nous sommes environ à 3 milles de la pointe Vénus,
lorsqu’une pirogue montée par des naturels accoste
nos navires. Désireux de montrer à ces hommes
que je connais parfaitement le chemin de leurs ports,
je leur déclare que je ne veux point de pilotes, et
que je ne puis me soumettre aux droits de pilotage
établis par les missionnaires.
Celui qui semblait être le principal personnage de
cette embarcation, était vêtu d’habillements européens.
Il me dit se nommer Pewe-we et être un des
chefs de Matavai, il me demande la permission de
monter à bord et je la lui accorde. En montant sur le
pont, il paraît d’abord saisi à la vue de nos canons
et du nombre d’hommes de notre équipage, puis il
tâche de me faire comprendre qu’un navire portant
aussi des canons est mouillé à Papëiti.
Au même moment, MM. les officiers aperçoivent,
dans l’ouest, un grand navire américain qu’ils prennent
d’abord pour une frégate de guerre avec guidon
de commandement.
Quant à l’ami Pewe-we, sans craindre de déroger
à sa dignité première, il se campe sur le bastingage
et se met à diriger la vente de sa marchandise,
avec beaucoup de soins et d’aptitude ; cependant
il demande des prix si exorbitants que l’engouement
des acheteurs est bien vite détruit. Ainsi
Pewe-we ne craint pas de demander une demi-
piastre et même une piastre ( tava ) pour quelques
fruits. Pour de mauvaises coquilles ou quelques pagaies
sculptées il lui faut des monceaux de tavas ou
piastres.
Aussi, notre pauvre Pewe-we est bientôt délaissé
lui et sa marchandise. Sans doute ce brave homme
s’était figuré que nous arrivions avec une cargaison
de tavas, et qu’en arrivant le premier, il n’aurait
qu’à se baisser pour en remplir ses coffres. Frustré
dans cet espoir, après un moment d’attente, il fut
bien obligé de baisser peu à peu ses prix, pour trouver
quelques acheteurs ; mais en définitive, il ne
perdit rien dans ses petits marchés et son panier
d’oranges fut vendu très-cher.
Bientôt nous apercevons les récifs de la pointe
Vénus, je les prolonge à une distance d’environ 50
brasses, puis lorsque je distingue leur pointe dans
l’ouest je reviens brusquement sur bâbord et la
range à 15 ou 20 brasses, dans la crainte de tomber
sur le banc du Dauphin. Après avoir franchi la passe
étroite et limitée d’un côté par ce banc, de l’autre