que je lui versai et qu’il sembla avaler avec plaisir»
Au même instant, MM. les officiers aussi peu désireux
que moi de goûter à cette préparation vitienne,
se firent servir à mon exemple des verres de vin qu’ils
burent sans attendre le tour que leur aurait sans
doute assigné Tanoa, et dès ce moment, toute l’étiquette
fut détruite, le kava ne marcha plus que de
travers et les notables eux-mêmes furent plusieurs
fois obligés d’accepter les coupes destinées à d’autres
individus.
On apporte ensuite une grande quantité de poisson,
du taro, des bananes et surtout du cochon cuit dans
un grand pot en terre. J’aurais sans doute trouvé ce
dernier fort bon, si je n’avais pas eu constamment
l’idée que la veille, ces cannibales avaient fait cuire
dans le même vase une partie du Kai-Viti. Aussi j ’en
mange avec répugnance, bien que Latchika m’affirme
que les naturels ont des vases particuliers destinés
uniquement pour le tangata, c’est-à-dire pour la
préparation des victimes humaines.
Je rappelle a Tanoa que, lors de mon premier
voyage sur Y Astrolabe, j’avais eu son fds Tamboua-
Nakoro pendant huit jours a bord de mon navire.
C’est lui qui m’apprend que ce jeune chef a péri en
repoussant vaillamment l’attaque d’unchefde Motuara;
il a été frappé en combattant sur le rivage même de
Pao. L’héritier actuel Seli, passe aussi pour un vaillant
guerrier, il a déjà combattu avec courage lorsqu’il
s’est agi de rétablir son père sur le trône. Cependant,
ni Seli, ni Taona-Neou son frère, malgré
leur rang, ne figuraient dans l’assemblée, à cause de
leur jeunesse.
Derrière nous s’élève une espèce de tumulus de 3
à 4 mètres de hauteur , garni d’énormes quartiers de
roche, planté d’arbres et entièrement tapissé de Convolvulus
coeruleus ; on m’a désigné ce lieu comme
tabou et destiné aux sacrifices humains.
Le village de Pao compte environ une cinquantaine
de maisons, dont quelques-unes sont fort
grandes et construites sur des terrassse. Toutes ont
des toitures solides ; généralement elles sont environnées
de murailles et paraissent .bien closes.
La conférence terminée, Tanoa me conduit sous
sa case ; c’est un beau hangar de plus de cent pieds
de long, sur quarante de large et d’un très-beau travail.
Elle est entièrement tapissée de nattes; des armes
et une grande quantité d’ustensiles garnissent les murs
de bambou. Au fond se trouve une espèce de cabinet
spécialement réservé pour l’usage du roi et de la
reine. Nul autre ne peut y entrer sous peine de mort.
Tanoa a cent femmes dont quelques-unes sont assez
blanches et d’une figure agréable.
Comme j’admirais la belle construction et les dimensions
de la case royale, Tanoa m’apprit que les
habitants de trente villages soumis à ses lois y avaient
travaillé pendant un mois entier. Celle de Naka-
lassé était aussi très-belle, et même on l’indiquait
comme un chef-d’oeuvre d’architecture dans les îles
Yiti. Enfin Tanoa ajouta qu’à présent, s’il apprenait
qu’il y eût dans l’archipel une case plus belle que la