comme à un représentant d’une grande nation f
longtemps l’émule et l’ennemie d’une autre grande
nation, mais aujourd’hui son amie et son alliée. J’aurais
été heureux d’avoir à vous faire cette politesse,
au seul titre de missionnaire anglais, dont j’ai toujours
été l’ami dans mes précédents voyages ; j’aurais
été flatté d’apprendre que vous aviez toujours
concilié les devoirs qu’impose le titre de chrétien
avec ceux de l’humanité, il en a été autrement et
j’en suis fâché. J’aime au moins à croire que désormais,
en votre qualité de citoyen anglais, vous
comprendrez mieux les devoirs qui vous sont imposés,
et que vous protégerez, même au risque de
votre vie, tous les citoyens français s’ils pouvaient
encore désormais être exposés à de semblables
avanies. »
Comme je le vois arrêté avec un certain air d’irrésolution,
j ’ajoute : M. Pritchard, est-ce que je
parle assez correctement l’anglais, m’avez-vous bien
compris? sinon je vais prier M. Moerenhout de vous
répéter mes paroles. Alors il s’empresse de m’assurer
qu’il a parfaitement compris, puis il ajoute qu’on
l’avait sans doute dénigré .dans mon esprit, et qu’au
surplus il serait toujours prêt à protéger désormais
les sujets de toute nation. Cela me suffit, lui dis-je %
et j ’entre dans sa maison. La conversation s’engage
sur des sujets étrangers, et nous nous séparons
très-contents les uns des autres, du moins en apparence.
M. Pritchard fut le premier à m’apprendre que des
missionnaires appartenant à la secte de Wesley,
étaient établis aux îles des Navigateurs, dont ils
avaient converti la plupart des habitants. Le principal
établissement, situé à Apia, était assez souvent
visité par des navires anglais et américains. M. Pritchard
ajouta qu’il savait aussi que des missionnaires
appartenant à la même secte étaient allés s’établir aux
îles Viti, mais il craignait qu’ils n’y fissent pas de
rapides progrès.
Comme je fais remarquer à M. Moerenhout que
Pritchard était logé comme le véritable roi de l’île,
il m’assure que les missionnaires anglais, las enfin
des reproches continuels qu’ils recevaient à cet
égard, avaient pris le parti de faire construire une demeure
royale convenable, et il s’offre de m’y conduire
sur-le-champ. Cette maison est en effet située
dans une position fort agréable, elle paraît bien
distribuée, et les boiseries ainsi que les emménagements
sont travaillés avec beaucoup de soin. Elle est
fort avancée et je crois que ce sera une résidence fort
agréable pour la .reine. Mais M. Moerenhout qui connaît
les goûts et les caprices de celte femme, m’assure
qu’elle n’y fixera jamais sa résidence. Elle y viendra,
me dit-il, tout au plus pour assister aux conseils d’état
et aux représentations ; elle préférera toujours sa
démeure de Moutou-Outa, et le modeste hangar sous
lequel vous l’avez visitée, où elle retrouvera toutes
ses douces habitudes. Ces gens sont comme des
animaux qui préfèrent leurs écuries avec leurs ordures
à des palais dorés.