voyant il semità fuir. En revenant à bord, j’appris d’un Péruvien
habitant l’île , que son aversion était due à ce qu’un chef, qui
passait pour inspiré, avait rêvé, la nuit précédente, que les blancs
voulaient ôter la vie à l’enfant chéri delà tribu, et que ce rêve
avait fait une telle impression sur les habitants qu’ils s’étaient empressés
de le lui communiquer en l’engageant à nous fuir.
Cette relâche avait rempli le but que nous nous étions proposé
en y venant mouiller ; les naturels s’étaient toujours montrés
pleins de bienveillance pour nous, et nous n’avions guère à leur
reprocher que quelques vols, dont un fut découvert seulement le
dernier jour de la relâche, et valut à mon pauvre tayo une accusation
à laquelle son évasion subite donnait quelque fondement.
Un fusil à deux coups à pierre avait disparu à bord, dans la
chambre de M. de Montravel, et comme lui seul avait mis le pied
dans le carré des officiers, on l’accusa naturellement de cet enlèvement.
Quoique le fait ne fiit pas prouvé et ne pourra jamais
l’être, je me promis bien à l’avenir de ne plus jamais faire de
tayo, car il me fut pénible de voir-planer sur un homme auquel
nous portions tous: tant d’intérêt, un soupçon pareil. S’il
est vrai que Matéomo mérita cette accusation, on peut dire qu’il
joua l’innocence à ravir et qu’il nous trompa tous bien indignement.
Je m’efforçai toujours de croire le contraire, malgré les-
fortes présomptions qui s’élevaient contre lui.....
Nouka-Hiva et tout le groupe des îles Marquises, paraissent
fort loin de subir la grande transformation qui s’est déjà opérée
à Taïti, aux Sandwich et dans les autres îles de la Polynésie.
Quels que soient les inconvénients du système établi par les missionnaires
anglais et américains dans- ces diverses îles, je crois;
qu'il eût mieux valu.pour tout l’archipel de Nouka-Hiva dele subir
; car comme les habitants ne conservent pas pour cela leurs
moeurs primitives et ce qu’elles avaient de bon au milieu de leur,
licence, et qu’elles n’en sont pas moins modifiées considérablement
par le commerce d’Européens sans garantie de moralité , qui ne
leur apportent que leurs vices, les indigènes, adoptant avec ardeur
ce triste-accompagnement de la civilisation, tombent dans un
état de dégradation bien au-dessous de l’état sauvage en très-peu
de temps, sans être arrêtés, ni par l’exemple d’une vie régulière,
ni par le frein d’une morale et d’une religion qui aurait quelque
effet sur eux pour peu qu’il leur en fût enseigné, ni par les règlements
de la société civile dont les bienfaits leur restent inconnus.
Les Européens qui seuls ont quelque influence sur eux, applaudissent
au contraire à tousleurs excès,' leur fournissant tout ce qui
peut les entraînera de plus grands, et les effets de leur séjour parmi
eux sont marqués déjà en caractères funestes. On leur a apporté
d’affreuses maladies, qui incurables sans le secours des médecins,
ont déjà altéré la constitution de beaucoup d’entre eux, et contribuent
comme partout à dépeupler ces îles et à remplacer les
belles générations actuelles par une race infirme, languissante et
abâtardie. Nous ne pûmes voir à Nouka-Hiva, sans en être frappés,
la disproportion entre la taille des hommes et celle des femmes
; ont eût dit celles-ci d’une autre race, malgré leurs grâces et
leur physionomie. En les comparant aux hommes, toutes étaient
de vrais avortons. Nous en vîmes se livrer, quoiqu’enfants,
au libertinage. Je fus porté à attribuer à cette dissolution précoce
leur air chétif ; car l’abus des plaisirs à un âge aussi tendre et
leur maternité souvent très-précoce, doivent arrêter tout à coup
leur croissance, et elles deviennent comme ces plantes qu’un soleil
ardent fait pousser et fleurir avec une rapidité contraire aux lois
de leur organisation , et chez lesquelles cette maturité hâtée est
tristement compensée par des apparences grêles, une tige faible
et une infériorité marquée dans leur espèce.
(M. Du.bouzet.')
Note 4, Page 34-
Au dire d’un banian espagnol qui habite depuis longtemps les