cages. Il ne larda pas à tomber dans une fondrière
dont il devenait fort difficile de se tirer pour s’échapper.
C’est dans ce moment que le sauvage, levant sur
la tête de sa victime un énorme gourdin dont aupa-
vant il feignait de se servir pour marcher, fit signe
à cet élève qu’il fallait se dépouiller de tout ce qu’il
possédait et le lui livrer. La position de notre compatriote
était trop difficile pour que la résistance ou
la fuite lui fût possible. Il fut donc obligé de tirer
successivement sa veste, sa cravate, deux chemises;
car outre celle qu’il avait sur le corps il en portait
une seconde comme objet d’échange. Enfin il fut
obligé de livrer même le peu d’argent qu’il avait dans
sa poche. Le sauvage voulut bien cependant lui laisser
son pantalon; il l’aida même poliment à se retirer du
bourbier où il l’avait enfoncé, lui offrit une poignée
de main en guise de réconciliation, et lui montra le
chemin qu’il devait suivre avant de le quitter» M. La-
fond rentra à bord furieux; il voulait retourner armé
au hameau de Sava-lelo et le mettre à feu et à sang.
Si le fait se fût passé loin de la baie, je n’aurais fait
que rire de la mésaventure de M. Lafond, tout en le
blâmant de son imprudence ; mais c’était à peine à
cinq cents pas des navires, et je sentais qu’une correction
sévère devenait nécessaire pour éviter par la
suite la répétition d’actes semblables. Seulement j ’invitai
l’élève à se tenir tranquille, et même à garder le
bord jusqu’au soir, pour donner le temps de rentrer
à plusieurs personnes qui se trouvaient isolées
dans les environs d’Apia et dans les bois. En ce moment
la moindre vengeance de notre part aurait pu
donner lieu à des représailles très-funestes pour
nous.
Tout le monde étant rentré le soir sans accident,
bien que plusieurs personnes se fussent avancées à
deux ou trois lieues de distance dans les terres, j ’envoie
Frazior au chef de Sava-lelo pour lui porter de
ma part la notification suivante :
I o Le chef de Sava-lelo devra me livrer, dès demain
matin, le naturel de son village coupable du
délit, et je le punirai comme je le jugerai à propos.
2 ° A son défaut, il devra me livrer vint-cinq cochons
à titre d’indemnité.
Enfin, si aucune de ces deux conditions ne se
trouve remplie, il doit s’attendre à voir dès demain
matin son village livré aux flammes, et quiconque
fera résistance, sera immédiatement fusillé par mes
soldats.
Puis à six heures je me rends moi-même avec
M. Jacquinot à notre bain habituel. En débarquant je
trouve Pea sur la plage, dans une grande agitation;;il
me supplie d’aller arranger cette affaire avec M. Mills.
Je décline cette offre, et je lui réponds froidement
que mon parti est pris, et qu’en conséquence il ne
lui reste plus qu’à déterminer ses confrères de Sava-
lelo à me donner satisfaction.
Au retour du bain, je passe*chez M. Mills pour le
saluer. Il paraît s’effrayer beaucoup des conséquences
que peuvent entraîner les vengeances des Français,
mais il est obligé de convenir que cet acte de fermeté