peindre sous tes couleurs les plus défavorables. Perfides
et cruels, leurs guerres ne seraient que des massacres.
Dans leurs relations avec les étrangers ils
auraient toujours en vue le meurtre et le pillage, et
ils masqueraient leurs intentions malveillantes par
tous les dehors de l’amitié et de la bienveillance. Les
Européens qui ont eu à s’en plaindre, se sont toujours
retranchés derrière la barbarie de ces peuples
dont ils accusaient la cruauté et la mauvaise foi
comme les seules causes de leurs conflits. Mais lorsqu’ils
ont eu à se reprocher des torts réels envers ces
sauvages, ils se sont bien gardés de les proclamer.
L affaire de Bureau n’est certainement point la seule
dans laquelle nos capitaines se soient conduits avec
une barbarie sans exemple. Si plus versés dans la
langue de ces peuples on pouvait recueillir tous les
témoignages, on pourrait peut-être aussi expliquer
quels ont été les motifs qui ont engagé ces peuples,
pour qui la vengeance est un devoir, à enlever des
navires européens et à massacrer les équipages inoffensifs.
Jusqu’à nouvelles informations, nous nous
contenterons de faire remarquer qu’au milieu de ce
peuple vivent aujourd’hui des Européens qui seuls et
sans défense sont entièrement à la merci de ces sau-
vages ; que cependant ceux-ci auraient tout intérêt à
s en défaire, car d’abord ces blancs possèdent souvent
de grandes richesses en armes et en objets d’industrie
européenne, et ensuite parce que souvent les naturels
ont à se plaindre de ces hommes qui, sortis des rangs
de la civilisation, portent au milieu d’eux tous les
vices qui les ont poussés à cette vie aventureuse.
Ce que l’on ne saurait contester, c’est que ces sauvages
sont anthropophages; mais ils auraient cela de
commun avec presque tous les peuples océaniens,
s’ils n’aimaient pas la chair humaine par goût et par
appétit, et non par suite de croyances religieuses,
comme les Nouveaux Zélandais qui ne dévorent que
des ennemis. Souvent, en effet, les Viti n’attendent
pas que le sort de la guerre leur amène des victimes
pour satisfaire leurs goûts cannibales ; la plupart du
temps c’est le besoin de manger de la chair humaine
qui leur met les armes à la main, et lors des grandes
cérémonies d’apparat, on cite de ces affreux repas où
figurèrent une grande quantité de cadavres humains,
qui furent dévorés par leurs propres concitoyens.
Toutefois, les prêtres seuls sont chargés de la préparation
des victimes humaines, tandis que la nourriture
habituelle des habitants est préparée par les
femmes et les esclaves, ce qui semblerait indiquer
qu’un sentiment autre que celui de la gourmandise
les pousse à ces horribles festins.
Autrefois les habitants des îles Viti, réduits à leurs
armes de bois, se faisaient une guerre peu meurtrière.
Il est encore aujourd’hui rare de voir deux armées se
rencontrer. Seulement, de temps à autre, de malheureuses
tribus, surprises par leurs ennemis qui se précipitent
sur elles en grand nombre, sont massacrées et
dévorées ensuite. Mais les occasions sont heureusement
rares; la plupart du temps, prévenus des excursions
projetées, ces malheureux ont le temps de fuir le dan