11.
Nous faisons ensuite un tour de promenade aux
environs de Papeïti, et partout nous rencontrons les
femmes de Taïti livrées à la paresse et à la débauche,
mendiant pour satisfaire leur avidité un prix
quelconque pour leurs faciles faveurs. A 4 heures
nous rallions la Vénus, M. Du Petit-Thouars ne veut
accepter notre congé qu’après le dîner, et à 6 heures
seulement nous nous dirigeons sur nos corvettes où,
grâces à l’intelligence du pilote Gem, nous arrivons
sans accident à 8 heures du soir.
Le jour est à peine commencé, que les deux grands
canots de Y Astrolabe et de la Zélée parient pour Pa-
peïti, chargés des états-majors des deux corvettes,
tandis que se croisant avec eux, une embarcation
de la Vénus amène à notre bord plusieurs officiers
de cette frégate. Empressés autour d’eu x , mes jeunes
officiers sont heureux de montrer à leurs compatriotes
tous les travaux déjà exécutés par nos corvettes,
et si quelque impression fâcheuse avait dû
être la suite de tous les propos répandus contre notre
expédition à Valparaiso et qu’y avait dû recueillir la
Vénus, elle fut bientôt détruite par l’enthousiasme
des officiers de nos corvettes et surtout par la vue
de tous ces travaux que les habitants de Y Astrolabe
étalaient avec orgueil devant leurs visiteurs.
Une inscription a été gravée aujourd’hui sur le cap
de Y Arbre, elle se compose d’une lettre qui doit rap-
peller le nom de notre navire et du chiffre de l’année
de son passage : Àe 1838. Sous la lettre A on a profondément
incrusté une ligne droite qui se trouve
élevée de l m40 au-dessus du niveau de là mer;
cette mesure a été prise à midi précis. Du reste,
les marées paraissent presque nulles à Matavaï. Le
but de cette inscription est de pouvoir donner à nos
successeurs après de longues années, les moyens
de reconnaître si cette partie du sol a éprouvé un
exhaussement ou un affaissement lent, ce qu’il est toujours
très-difficile d’établir lorsque l’on manque de
points de repère certains; mais je crains que le
rocher constamment travaillé par l’effort des vagues
ne vienne à se briser, et à faire disparaître notre
inscription.
Notre première connaissance, Pewe-we, ne nous
a point abandonnés; je le retrouve aujourd’hui à bord
de Y Astrolabe, mendiant partout quelques douros; il
s’adresse souvent à moi, dont sans doute il suppose
le gousset bien garni. Il m’obsède en m’offrant des
femmes, espérant sans doute beaucoup de cette marchandise
, qui n’est pas rare à Taïti. Je le renvoie
d’abord assez sèchement ; mais fatigué du honteux
spectacle que présente l’avidité de ce chef cupide, je
l’invite sévèrement à me laisser désormais tranquille.
Le jeune Henry a commencé aujourd’hui à fournir
du boeuf à l’équipage, à raison de 6 piastres
(32 francs) les 100 livres. Ce prix est raisonnable, et
le bétail est déjà assez abondant dans l’île pour pouvoir
en fournir aux navires autant qu’il leur en faut.
Les cochons sont devenus rares, ils sont très-chers,
et même il est très-difficile de s’en procurer. Les
missionnaires anglais sont les principaux proprié