en ce moment un autre membre de cette illustre
souche, c’est le frère même de Lafiti-Tonga, auquel
appartiendrait de droit le titre de Toui-Tonga, mais
qui s’est retiré à Vavao, ne conservant de sa haute
dignité que les marques extérieures. Ayant appris que
le Feta-Fei avait'passé quatre ou cinq ans aux îles
Viti, je lui adresse quelques questions par l’intermédiaire
de M. Thomas. Il me répond avec complaisance
et surtout avec ce ton d’urbanité et de parfaite politesse
qui caractérise l’aristocratie de ces îles, et qui
déjà m’avait si vivement frappé jadis lors de mes entrevues
avec la Tamaha.
J'apprends aussi que mon ami des îles Viti Ton-
boua-Nakoro, fils de Tanoa et neveu du grand Nolivo,
avait pu regagner son pays après avoir quitté Y Astrolabe,
où il avait fait un assez long séjour lors de la
dernière campagne. Nolivo ayant été tué dans un
combat, Tanoa lui avait succédé, et Tonboua-Nakoro
avait péri dernièrement en combattant ses ennemis.
Cette nouvelle m’afflige, car je comptais beaucoup
sur lui pour être bien accueilli dans ces îles, et j’avais
toujours eu une haute opinion du caractère et des
talents de ce jeune chef.
Feta-Fei cherche à me persuader que les Kai-Vitis
ne sont point aussi féroces qu’on le pense communément;
mais cependant il tombe d’accord avec moi
qu’il est toujours bon d’être sur ses gardes avec eux,
attendu qu’ils se font constamment la guerre.
Par l’organe de M. Thomas, je prie Tahofa de me
procurer un Yiti intelligent pour me guider dans ses
lies. Vegui (le roi) me répond aussitôt d’une façon fort
polie qu’il fera en sorte de me satisfaire, et surtout
de me donner un homme auquel je puisse me confier.
M. Thomas saisit cette occasion pour traiter devant
moi avec Tahofa la question relative à Simonet, qui
paraît fort l’inquiéter. Je vois bien que Tahofa ne
partage pas du tout l’empressement des missionnaires,
mais je vois bien aussi qu’il ne paraît pas s’y opposer.
Aussi M. Thomas me dit avec un air de satisfaction
que Tahofa consent à livrer cet homme, et je réponds
de nouveau que je le ferai mettre aux fers à bord,
pourvu toutefois qu’on l’y conduise, car je ne veux
avoir aucun démêlé à terre avec les naturels du pays.
Tahofa m’offre ensuite un kava, mais comme je
connais cette liqueur, je remercie, et ensuite j’engage
Yegui à venir le lendemain avec toute sa famille
et les deux missionnaires dîner à bord deY Astrolabe.
Cette invitation est acceptée avec satisfaction par le
couple royal, et il est convenu qu’un de mes canots
sera envoyé à terre pour les recevoir.
En cette occasion j ’ai lieu d’observer combien les
formes de la simple politesse commandent involontairement
le respect et les égards. Mon pilote Macken-
sie, qui cependant n’est qu’un matelot dégrossi, se
tenait accroupi par terré devant ces hauts personnages
de l’île, et ne leur adressait la parole qu’avec toutes
les marques d’un profond respect. M. Thomas lui-
même, que son caractère élevait si haut à leurs yeux,
ne leur parlait qu’avec une déférence marquée. Ce
n’est plus ici comme à Taïti, où les chefs sont à peu