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femme, sur des nattes ; i l m’a fait asseoir à sa droite et m’a reçu
avec beaucoup d’affabilité.
Après avoir expliqué à Tanoa le but de ma mission et reçu de
lui des réponses ou ne peut plus satisfaisantes, il m’a offert en
grande pompe un kava auquel assistaient tous les principaux
chefs de l’île. Après avoir bu le kava, je voulais me retirer, pour
me conformer aux ordres du commandant. Mais Tanoa me montrant
une cuisse d’homme qui rôtissait sur des cailloux brûlants,
m’engagea avec beaucoup d’instance à partager son repas, et vit
avec peine que je ne voulais pas me rendre à ses pressantes sollicitations
; il n’en était pas ainsi des matelots de la baleinière qui
m’avaient accompagné et qui. auraient bien voulu goûter un
morceau de chair humaine,
Ces débris humains provenaient d’un habitant de Piva qu’il,
avait fait prisonnier il y a quelques jours. A huit heures je vins
rendre compte de ma mission au commandant qui donna ordre
immédiatement de tout préparer pour aller demain au matin
attaquer Nakalassé.
Latchika, notre pilote, enchanté de voir la guerre déclarée à
Nakalassé, qui avait mangé son père qu’il avait fait prisonnier,
demande un fusil pour aller le combattre, et pour toute récompense,
prie le commandant de lui livrer Nakalassé, pour qu’il le
mange à son tour.
(Ai. Gervaize.')
Note 4 i , page 233.
La sécurité dont jouissent les Européens à Lebouka, et même
dans toute l’île de Ballaou, est due à la présence d’une douzaine
d'Anglais et d’Américains qui y sont établis depuis plusieurs années,
qui y possèdent chacun plusieurs femmes et une assez
grande quantité d’enfants, et qui par leur union, leur conduite,
et surtout par les armes et la poudre dont ils sont munis, ont su.
prendre de l’èmpire sur le chef et les naturels, et se créer ainsi
une existence heureuse et tranquille.
Leur position y est même, aujourd’hui, solide au point qu’une
menace de leur part de quitter le village, amènerait le chef à
telles concessions qu’ils exigeraient; ils nous donnèrent une
preuve de l’ascendant dont ils jouissaient, en nous racontant que,
dégoûtés et indignés à la vue des repas de chair humaine dont
ils avaient été témoins en plusieurs circonstances, ils avaient,
un jour, déclaré ne vouloir plus désormais être exposés à voir de
pareilles scènes de cannibalisme, bien décidés à abandonner l ’île
si elles se renouvelaient devant eux ; depuis cette époque, les naturels
se cachaient lorsqu’ils devaient faire de semblables festins,
et allaient dans les montagnes en surveiller tous les apprêts.
Je ne pense pas que ce soit par crainte ou par amitié pour eux
que le chef de Lebouka se prête aussi facilement à leurs volontés;
un autre sentiment le guide dans cette complaisance : il apprécie
toute la force que cette petite troupe lui donne, et tous les services
qu’elle peut lui rendre en cas de guerre contre ses voisins ;
il a appris à connaître qu’un mousquet dans la main d’un de ces
hommes est une arme dont chaque coup donne la mort, et là-dessus,
il s’est décidé à se les attacher à tout prix.
Depuis quelques années, les Vitiens se sont bien procuré des
.fusils dans leurs relations avec les navires ; l’archipel en possède
même aujourd’hui une assez grande quantité, mais ils ne savent
pas s’en servir, n’envoyant leurs coups qu’en tremblant et en détournant
la tète, et tiraillent ainsi longtemps sans se faire le
moindre mal, tandis que lorsque deux partis combattent, la victoire
est assurée à celui qui compte quelques Européens dans ses
rangs. Quoi qu’il en soit, nous nous estimâmes heureux d’en
trouver à Lebouka ; ils nous rendirent des services, accompagnèrent
nos officiers dans leurs courses, et facilitèrent toutes nos
relations avec les habitants. Ils possèdent une petite goëlette de
vingt-cinq à trente tonneaux, que nous vîmes tirée à terre et en