vires dont il examine tous les détails avec beaucoup
d’attention. Naguères en guerre avec Lebouka, ce
chef se trouve aujourd’hui en paix avec cette tribu,
et en cela il n’a fait qu’obéir aux ordres de Tanoa dont
il reconnaît l’autorité suprême.
Parmi les objets que les habitants apportent aujourd’hui
sur le marché de nos navires, se trouvent
quelques-unes de ces coquilles si rares que les naturalistes
désignent sous le nom de porcelaine aurore
et que ces insulaires appellent boule-koula. Ils les
échangent facilement contre quelques bouteilles vides
et des dents de cachalot (tamboua-levou ). Tous ces
coquillages dont on ignore presque encore aujourd’hui
la patrie, sont percés d’un trou, et la plupart
sont roulés et par suite bien moins précieux pour les
collections. Toutefois, ces insulaires paraissent y attacher
un grand prix, sans doute à cause de leur rareté.
Us s’en servent d’ornement et paraissent aussi satisfaits
de s’attacher autour du cou cette parure bizare,
que nos femmes semblent heureuses lorsque leur tête
est éclatante de diamants.
Malgré le tabou qu’on m’assure exister sur les cochons
de la baie, les naturels en apportent quelques-
uns à bord de nos corvettes; mais ils ne veulent les
céder que contre des mousquets qui encore, pour
être acceptés, doivent être en fort bon état. Aussi
leurs prétentions sont-elles si élevées qu’il n’y a pas
de transactions possibles.
Des réunions de sept à huit femmes, sans hommes,
viennent encore le long du bord, je ne sais pour quel
motif. Elles poussent des cris assourdissants, et en
cela elles se font parfaitement remarquer des hommes
qui en général sont paisibles et silencieux, et même
semblent toujours livrés à de graves méditations.
Rassuré par les intentions pacifiques des naturels
de Lebouka, et surtout par les fréquents contacts qu’ils
ont avec les Européens, j’envoie une partie des équipages
en permission à terre. Je me félicite même de
pouvoir donner à mes matelots cette jouissance qui
ne peut qu’être très-salutaire à leur santé ; car du
moins à Lebouka ils ne trouveront point ces nombreux
cabarets qui semblent constamment suivre la civilisation
, et où les matelots toujours si avides de sensations
nouvelles , ne manquent jamais de laisser leur
raison avec l’argent qu’ils ont souvent gagné au prix
de fatigues et de dangers de toute espèce.
Du reste, pendant toute la journée je ne quitte pas
le bord, dont la monotonie n’est interrompue que par
la visite de l’Américain James Magom, venant du
navire X Union. Celui-ci me confirme tous les détails
que connaît déjà le lecteur, concernant la catastrophe
du navire XAimable—Joséphine, et il m’ajoute que
Nakalassé avait épousé la fille d’un frère de Tanoa ,
que cette union avait ajouté beaucoup à la considération
dont il jouissait déjà, et que c’était le motif
pour lequel Tanoa l’avait constamment épargné malgré
ses méfaits. Il m’apprend en outre, qu’aujourd’hui
Nakalassé s’était retiré avec ses gens près d’un
chef de ses amis, dans l’intérieur de Viti-levou. Il
m’assure que tous les naturels paraissent enchantés