verdâtre de saphir, le bec et les pattes d’un rouge de corail.
Leur langue est terminée en pinceau, afin de sucer le miel des
fleurs de cocotier, leur unique nourriture. L’endroit où nous
nous trouvions était délicieux de fraîcheur; un petit ruisseau
murmurait à nos pieds, nous nous y arrêtâmes pour déjeuner
: les provisions furent étalées sur l’herbe. Nos guides,
jaloux de contribuer au repas, grimpèrent comme des singes sur
les cocotiers et en firent tomber plusieurs fruits. Le plus embarrassant
pour nous était de les ouvrir ; mais nos pourvoyeurs
nous euient bientôt tirés dembarras; a peine descendus, ils se
mirent à enlever à belles dents toute la pulpe tenace et filandreuse
qui entoure la noix, qu’ils nous présentèrent entièrement
dépouillée en quelques instants. Pour notre compte, s’il, nous
avait fallu obtenir un semblable résultat avec les mêmes moyens,
nous serions, je crois, plutôt morts de soif.
Lorsque la noix est ainsi dépouillée, on frappe avec un caillou
quelques coups autour de l’une des extrémités, qui s’enlève
comme une calotte. Nos jeunes sauvages se montrèrent friands
du biscuit et du pain, mais ils rejetèrent le fromage avec dégoût.
Us avalèrent aussi un peu d’eau-de-vie, non sans faire la grimace.
Ep revanche ils se bourrèrent d’amande de coco.
Notre repas terminé,nous nous remîmes en route pour continuer
notre chasse ; le soleil était alors dans toute sa force, la chaleur
était insupportable. Nous grimpions avec peine les flancs escarpés
d’une colline; à chaque pas les broussailles devenaient plus
épaisses ; enfin nous arrivâmes au sommet accablés de fatigue et
de chaleur. Mais la, nous fûmes bien dédommagés de nos peines
par la perspective délicieuse qui s’offrit à nos regards ; la baie
s’arrondissait à nos pieds, déployant sur la plage de galets sa
blanche ceinture d’écume. Nos deux corvettes étaient là , paresseusement
endormies , se réfléchissant en lignes noires et trem-
blottantes dans cette eau à peine ridée par la brise, qui, plus haut,
inclinait le feuillage et faisait balancer les têtes des cocotiers. A
l’horizon, la mer bleue, infinie, se confondantpresqu’avec le ciel.
Assis au pied de quelques eucalyptus , qui rendaient un son
plaintif et monotone frappés par la brise, nous restâmes longtemps
en contemplation devant ce gracieux paysage.
Pendant deux longues années encore nous avions à tracer
notre sillon sur cette mer sans bornes avant de revoir la pa trie !
Au bout de quelque temps, nos petits sauvages , qui rôdaient
çà et là, vinrent me tirer de ma rêverie : ils me montraient du
doigt le sommet d’un grand Eoa, ou arbre des banians, en me
répétant le mot manou (oiseau). Je regardai longtemps sans rien
voir; à la fin, quelques mouvements que fit l’oiseau me le firent
distinguer au milieu du feuillage, dont il avait la couleur ; je le
tirai aussitôt et l’abattis : c’etait la jolie tourterelle kurukuru,
dont nous devions rencontrer une variété dans chaque île de
l’Océanie. Si cet oiseau pouvait vivre sous notre climat tempéré,
il serait l’ornement des volières. Cette tourterelle , un peu
moins grosse que celle d’Europe, a tout le dessus du corps d’un
beau vert vif et mat : le dessous est jaune, avec une tache rouge
sur la poitrine. Le dessus de la tête est couvert d’une calotte du
plus beau carmin. En peu de temps nous en tuâmes plusieurs
sur le même arbre, dont, elle venaient probablement manger les
baies. Cet oiseau, et les deux autres décrits plus haut, sont les
seuls que nous ayons vus pendant notre relâche, indépendamment
de petites hirondelles noires très-communes. On doit cependant
en trouver d’autres espèces, sur d’autres endroits de l’île.
Ce matin on s est aperçu que Maféomo, le tayo du lieutenant,
n était plus à bord ; personne ne l’avait vu partir ; on ne savait
comment expliquer cette disparution subite, lorsque M. de Mon-
travel s’aperçut que son fusil lui manquait ; dès-lors tout fut
expliqué. Le fusil, a pierre et luisant, était placé dans un coin,
vers la porte de sa chambre; un des grands plaisirs de Matéomo
à bord était de prendre ce fusil et de se promener majestueusement
sur le pont, à l’instar d’une sentinelle. Le pauvre garçon