des canons bien plus grands et en plus grand nombre,
et alors ils viendront détruire en entier le
village de Pao ; je savais bien d’avance que Nakalassé
ne pouvait pas nous résister ; mais j’espérais
au moins qu’après ses menaces il nous aurait attendus
dans son village pour combattre un instant avec
nous; loin de là, il a fui et s’est caché; dès-lors, je le
regarde comme un lâche qui n’attaque son monde
qu’en traître, et à cet égard je désire qu’il connaisse
mon opinion. Enfin, je fis dire à Tanoa que ses
peuples pouvaient aller commercer en toute sécurité
avec nos corvettes, que l’ordre était donné de les laisser
entièrement libres, et que du reste, personne
ne voudrait leur donner le moindre sujet de plaintes.
Simonet, placé à mes côtés, traduisait à mesure
mes paroles à Latchika, et dès que j ’eus fini de parler,
celui-ci s’adressant à tous les sénateurs , leur
adresse un discours qui dure au moins une bonne
demi-heure. Cet homme paraît avoir dans la diction
une variété et une éloquence qui feraient honneur à
l’envoyé d’une grande nation. On ne remarque chez
lui ni hésitation, ni gestes déplacés. Il parlé avec
gravité et noblesse, et il y a dans ses paroles un entraînement
remarquable. Son discours est écouté
dans un religieux silence ; et à plusieurs reprises l’assemblée
exprime sa satisfaction à l’orateur en témoignant
son approbation par les mots binaka ou saka
( bien ou parfait. )
Il paraît que Latchika a traité successivement l’arrivée
du capitaine Bureau à Piva, ses bons procédés
t
envers Nakalassé, la trahison de celui-ci, et sa conduite
envers Tanoa et les gens de Pao après l’enlèvement
du brick , l’arrivée de nos deux navires, où
ont figuré souvent les noms de Toufi.il (d’Urville) et
Yakinot (Jacquinot); enfin, les bravades de Nakalassé,
sa fuite et l’extermination du village de Piva.
Il a terminé par mes offres de paix et d’amitié, et ses
conclusions ont été que les Français devaient être
les premiers partout.
Toutes ces paroles ont été applaudies à une très-
grande majorité, mais non point à l’unanimité, car
il y avait évidemment des dissidences. Tanoa, du reste,
paraissait très-content et me lançait les regards les
plus aimables.
Je fais ensuite faire deux tours d’exercice et tirer à
balle par les deux détachements et les officiers, ce qui
excite des applaudissements et des cris de joie unanimes,
surtout quand les balles dont le but est un cocotier,
font voler en morceaux des branches entières
de cet arbre.
Enfin arrive le kava qui Se prépare à peu près à
la mode tonga. Un plat en bois dont je n’estime pas
le diamètre à moins de l'n 5, est apporté au milieu
de l’assemblée, et placé en face du roi ; il est formé
d’un seul bloc, dans lequel on a taillé toute la pièce,
y compris les trois pieds qui le soutiennent ; ensuite,
quelques esclaves apportent àTanoa la racine du kava;
le roi choisit les morceaux et les fait distribuer à des
hommes qu’il désigne et qui sont chargés de le mâcher.
Ceux-ci, sans doute des chefs puissants, après avoir