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Octobre. disant qu’il aimait trop le capitaine français et qu’il
ne consentirait jamais à lui faire le moindre mal : il
fut si obstiné dans son refus, que Nakalassé furieux
le menaça de le faire étrangler; il lui avait même déjà
fait serrer la gorge avec une pièce de tapa, quand le
malheureux, ne pouvant plus supporter le tourment
de la strangulation , consentit enfin à exécuter
l’ordre de son oncle.
« Quand Nakalassé vit son neveu prêt à lui obéir,
il lui dit : « Rends-toi immédiatement à bord du na~
« vire français avec trois de mes guerriers, tu diras
« au capitaine de prendre sa lunette d’approche pour
« regarder ce que fait son canot qui vient de s’échouer
« là-bas sur un récif, et au moment où il observera
« son embarcation, tu l’assommeras avec tout ce qui’
« reste de blancs à bord. »
« Franck s’embarqua dans une pirogue avec ses
trois affidés armés de casse-têtes, ils se rendirent de
suite à bord de la Joséphine. En montant sur le pont,
Franck salua très-affectueusement le capitaine et lui
observa que son canot s’était jeté sur un récif en lui
indiquant le lieu. M. Bureau prit sa longue-vue, et au
moment où il la braquait sur l’embarcation, les assassins
l’étendirent à leurs pieds. Il restait encore à
bord le maître, le deuxième maître Joseph et le coq,
les deux premiers subirent le même sort que leur capitaine,
et le troisième parvint à se sauver en se cachant
à fond de cale, mais non sans avoir reçu quelques
horions des assassins.
« Les trois cadavres furent jetés à la mer ; le corps
du capitaine ayant été porté par les flots au rivage de O^03b8rc
la grande île Viti-Levou, les naturels de cette île le
prirent, le rôtirent et le mangèrent.
« Quand Franck eut terminé sa boucherie, il hissa
un pavillon. A ce signal, tous les naturels de Piva se
rendirent à bord de la Joséphine et la livrèrent au pil lage
; chacun d’eux emporta ce qui lui convenait. Ensuite
ils appareillèrent le brick et le conduisirent devant
l’île Lebouka, afin de prendre tous les blancs
qui se trouvaient sur cette île pour manoeuvrer le
navire. David Wippy ayant connu l’intention des
meurtriers du capitaine Bureau, conseilla à ses camarades
de ne se rendre à l’invitation de Franck et
de ses complices, que si ces derniers les y contraignaient
par la force, car il craignait de se trouver
compromis dans cette affaire. Voyant que les blancs
de Lebouka ne voulaient pas venir à bord du brick,
Franck le reconduisit à Piva, et de là , Nakalassé s’étant
aussi embarqué sur la Joséphine, fit voile sur
Pao, canonna le village et en tua plusieurs habitants.
Voyant ensuite que le brick ne pouvait pas lui être
d’une grande utilité, Nakalassé fit débarquer tout
ce qu’il y avait à bord, et à la marée haute il conduisit
le brick à Reva où il resta échoué. »
« Quand la Joséphine fut à Taïti, il y avait au
nombre des hommes de son équipage, un nommé
Charles, Anglais de nation, qui se fit débarquer
sous prétexte qu’il appréhendait de retourner
aux îles Viti ; mais le capitaine Bureau ayant su que
cet individu s’était rembarqué sur un navire anglais