mais l’insulaire qui en était possesseur ne voulait accepter
en échange qu’un mousquet, il a refusé même
mes dents de cachalot, qui cependant ont une valeur
si grande parmi eux, du moins si j ’en juge par l’empressement
que les habitants de Lebouka mettaient à
s’en procurer. Du reste, Thomas Grandy m’assure
que le commerce ne rapporte rien dans ces îles, et
même il prétend que ces insulaires sont encore bien
plus exigeants pour les Européens établis chez eux,
que pour les navires qui ne font que passer sur leurs
côtes.
A 4 heures le canot major que j’avais envoyé sur la
pointe Lacumba rentre à bord apportant quelques
poissons vendus par deux ou trois naturels qui pèchent
sur la côte, qui du reste est inhabitée.
Comme Thomas Grandy doit me quitter demain, je
lui fais donner dix piastres pour prix convenu de ses
services, et je lui fais donner en sus cinq à six mètres
d’étoffes blanches, une bouteille d’eau-de-vie, une
médaille de l’expédition et un bon certificat. Cet
homme, en effet, m’a paru parfaitement connaître
cet archipel dangereux, et il m’a piloté avec beaucoup
d’aplomb et d’intelligence. Il a en outre une tenue
fort décente, et j ’ai cru en le recommandant aux navigateurs
qui nous suivront, leur rendre un véritable
service. Thomas Grandy est Anglais de nation, ainsi
que son camarade Martins, connu déjà du lecteur
sous le noms de Williams, mais qui ne le vaut pas.
J’allais me mettre au lit, lorsque M. Roquemaurel
vint me demander l’autorisation d’envoyer tendre le
tramail par le petit canot ( you-you ou boat ) que j’a- i8:m.
vais d’abord destiné à M. Ilombron qui désirait dra- ° ° re
guer, mais qui plus tard y avait renoncé. J’accueillis
immédiatement cette demande, n’y voyant aucun inconvénient,
seulement je recommandai d’y mettre
deux hommes au lieu d’un seul, qui ordinairement
suffit pour manoeuvrer cette petite embarcation.
Vers les deux heures du matin, on vint me réveil- as,
1er pour m’annoncer que le boat n’était point encore
de retour de là pêche, et que l’on avait des inquiétudes
sérieuses. Toutefois en songeant aux dispositions
paisibles des insulaires, je ne partageai point
d’abord ces inquiétudes; mais mon anxiété devint
grande lorsque vers cinq heures on m’assura qu’il
n’était point encore rentré.
Dès-lors, je me levai à la hâte, et comme le jour
commençait à poindre, avec ma longue-vue j ’interrogeai
les contours de la baie. Je ne tardai point à
distinguer sur la pointe Lacumba, trois pirogues et
quelques groupes de naturels paisiblement assis sur
la grève. Nos matelots qui déjà ne doutaient plus que
leurs camarades avaient été massacrés, en voyant
un grand feu allumé sur la cô te , en conclurent
bien vite que leurs meurtriers s’occupaient du soin
de les faire rôtir, et laissaient éclater toute leur
indignation.
Cependant, connaissant bien le caractère de ces
sauvages, j ’étais parfaitement rassuré à cet égard;
car j’étais bien certain que s’ils avaient fait un mauvais
coup, ils eussent décampé sur-le-champ. En