car avec les moyens d’attaque que possèdent ces insulaires,
la position est inexpuguable, et le feu ou la
faim pourraient seules la réduire. Latchika prétend
que pour la construire, Tanoa a employé le concours
de tous ses sujets, et que plus de cent villages y ont
contribué de leurs efforts.
Dès une heure j ’expédie dans ma baleinière
M. Gourdin vers Tanoa. Latchika qui fait partie de
1 embarcation est chargé de dire à ce roi sauvage quel
est le but de notre présence sur cette rade, de l’assurer
en outre que mes intentions à son égard sont
toutes bienveillantes, que les pirogues peuvent en
toute sûreté accoster nos corvettes et commercer
avec elles, et que même connaisant la haine que
Tanoa porte a Nakalassé, j ai tout lieu d’espérer qu’il
sera notre allié dans la guerre que je me propose de
faire à celui-ci.
Yers quatre heures ma baleinière rentre à bord et
Latchika m’annonce que Tanoa s’est montré bien
disposé à notre égard; il trouve très-juste la vengeance
que je viens exercer au sujet du meurtre de Bureau
et de l’enlèvement de la Joséphine; mais d’un autre
côté il me fait dire qu’il est entouré par des ennemis
de sa personne et qui sont de puissants alliés que
Nakalassé entretient dans Pao même; que près de lui
se trouve en ce moment un ami de ce chef, et que ses
propres sujets arrêteraient sa volonté s’il consentait
à prendre part à la guerre que nous allions faire. Du
reste M. Gourdin m’ajoute que Tanoa a envoyé chercher
Nakalassé pour nous le livrer sur-le-champ, mais
ce chef astucieux ne s’est point rendu à son injonction,
car il est conseillé par deux bandits anglais ou
espagnols attachés à sa personne, et qui se sont douté
que nos navires n’étaient point venus avec des intentions
amies, puisqu’ils n ’avaient pas mis de pavillons.
Tanoa du reste nous laisse parfaitement libres d’agir,
il ne portera aucun secours, mais il craint qu’en
nous voyant débarquer sur son île, Nakalassé ne s’enfuie
dans les montagnes. Il nous conseille donc d’envoyer
dès ce soir dans son village, et de commencer
par s’assurer de sa personne. Ce moyen me déplaît à
double titre, d’abord parce que dans tous les cas il est
fort dangereux, et qu’ensuite je ne suis point assez
sûr des intentions bienveillantes de Tanoa et de son
peuple pour ne pas redouter de leur part un horrible
guet-apens.
Je suis donc décidé à débarquer dès demain au
point du jour, sur l’île Piva, des forces suffisantes
pour réduire Nakalassé et mettre son villages en cendres.
Du reste j’ai quelque espoir que la tribu tout entière
aura soin de décamper avant l’arrivée de mes
gens qui ne trouveront plus que des cases à brûler, et
qu’il n’y aura pas de sang versé.
A quatre heures et demie je renvoie encore à Pao
ma baleinière avec M. Gervaize et Latchika. Us vont
annoncer à Tanoa mes intentions définitives, et calmer
la frayeur de ce prince qui, ainsi que son peuple,
est très-épouvanté.
Les deux envoyés ne rentrent qu’à sept heures et
demie. Tanoa est enchanté de ma résolution, il désire
IV. ü