Américain nommé Cuningham, se présente à moi et
m’offre ses services pour me conduire jusqu’à Boua ;
mais je pense que Thomas Grandy, qui le premier m’a
offert de me piloter, se décidera à m’accompagner
sans conditions, et dès-lors, il doit avoir la préférence,
d’autant mieux qu’il m’a semblé être très-
intelligent et parfaitement à la hauteur de cette
mission.
Cuningham m’apprend que parmi les objets que
l’on peut offrir aux naturels de Lebouka comme
échange, ce sont les dents de cachalot qui sont surtout
recherchées par ces sauvages. Il m’annonce
même que, pour se procurer ces objets précieux,
aussitôt notre arrivée, les naturels ont imposé le
tabou sur les cochons, c’est-à-dire qu’il ne nous sera
pas possible de nous en procurer si nous n’avons
pas à leur offrir des dents de cachalot, qui sont le but
de toute leur convoitise.
Vers les deux heures, je me fais déposer à une
lieue environ au nord de notre mouillage et je donne
à ma baleinière l’ordre de me suivre le long de la
plage. Un joli sentier bien battu, qui longe le rivage
à peu de distance, rend cette promenade délicieuse.
En le suivant, j ’arrive à un petit village composé
d’une vingtaine de cases et entouré par de belles
plantations de taro et d’ignames ; de belles touffes dé
cocotiers entremêlés de champs de bananiers, donnent
à ce hameau un aspect des plus agréables. Parmi
les habitations qui le composent, j’en remarque une
dont les murs sont recrépis en plâtre. Dans l’intér
i e u r j’aperçois des armes, quelques bouteilles vides
et des fusils bien entretenus, ce qui me fait supposer
qu’elle appartient à quelque Européen qui y a fixé
sa demeure.
Il paraît que dans tous les villages habités par les
naturels des îles Yiti, il y a une case qu’ils désignent
sous le nom de Kiné-Balou ou maison de l’Esprit.
Son nom indique assez l’usage auquel elle est destinée
; du reste, son entrée est libre pour tous, et elle
devient chaque jour un espèce de lieu public où se
réunissent tous les oisifs qui sont toujours nombreux.
Je visite celle du village où je me trouve; elle me
paraît bien construite quoique petite. Dans l’intérieur
on ne trouve que quelques nattes étendues sur le sol
pour l’usage de ceux qui la fréquentent; mais les
murailles sont tapissées d’offrandes dues à la ferveur
des croyants : elles consistent en lances, nattes et
casse-têtes. Le plus souvent les naturels désignent encore
ces lieux sous le nom de Amboua, mais j ignore
si c’est la maison même ou le coin de la case qui,
voilé par un rideau de tapa, est regardé comme habité
par le dieu ou le prêtre inspiré. Celui-ci porte le
nom de nambetti. Du reste, rien n’est tabou dans la
case, si ce n’est la natte du nambetti placée dans le
coin dont je viens de parler.
Dans les grandes occasions, le chef de la tribu est
obligé de consulter le nambetti, qui caché dans le
coin qui lui est désigné, et après s’être consulté tout
juste le temps nécessaire pour se faire inspirer par le