nous. Sans doute un canal étroit la sépare de Viti-
Levou et en forme une île, mais son entrée n’est pas.
apparente du mouillage.
C’est à Leva qu’habite M. Cross, le second missionnaire
anglais qui réside aux îles Viti, et Latchika qui
paraît être très-certain de son fait, m’assure qu’il n ’a
jamais habité dans les îles du nord, comme me l’avaient
annoncé ses confrères.
Latchika qui, jusque-là, n’avait encore rien demandé
, me réclame des vêtements pour pouvoir se
présenter tantôt dans une tenue digne de son rang au
village de Pao où je compte aller faire une visite à
Tanoa. Je m’empresse de lui faire donner six à sept
mètres d’étoifes blanches dont il se pare immédiatement,
en abandonnant avec générosité à son ami
Mali la pièce de tapa (étoffe du pays) qui lui serrait
les reins un instant auparavant.
Pendant que je déjeune avec mon pilote tonga,
deux pirogues doubles et à doubles estrades, chargées
de nattes, fruits et autres objets, accostent le long du
bord. L’une d’elles, montée en majeure partie par des
Kai-Tongas, appartient à Latchika qui va immédiatement
s’établir sur son estrade supérieure, où il s’étend
comme un pacha sur son divan.
L’autre pirogue semble presque entièrement montée
par des Kai-Vitis. Elle est commandée par Toui-
neou, chef de l’île Obalaou et vassal de Tanoa. C’est
un jeune homme de 25 ans. Ses traits sont agréables,
son maintien est gracieux et discret, et ses manières
sont douces et imposantes ; ses cheveux sont frisés
avec un soin infini. Sa laya en forme de gaze blanche
arrondie en turban, couvre élégament sa chevelure ;
elle est nouée par derrière.
Je le fais monter un moment sur la dunette à côté
de moi, et là, je lui fais expliquer par Simonet que
nous venions de châtier la tribu de Piva, qui avait assassiné
un de nos compatriotes et insulté notre pavillon,
qu’au reste, nous étions les amis des Kai-Vitis,
et que nous ne leur ferions jamais aucun mal, tant
qu’ils se comporteraient bien. Il paraît comprendre
ces paroles, et il en est d’autant plus content que
je les accompagne de deux jolies dents de cachalot,
cadeau très-précieux parmi les sauvages. Du reste,
il n’a pas l’attention de rien m’offrir en retour.
Les pirogues viennent en grand nombre entourer
nos corvettes sur lesquelles il s’établit un commerce
d’échange très-actif. Il se borne aux objets d’industrie
; car ces insulaires n’apportent aucune provision r,
des étoffes, des poteries, des ceintures , des lances,
des casse-têtes (patou-patou ), des plats à kava de
toutes dimensions, tels sont les objets qui donnent
lieu à des transactions.
A une heure de l’après-midi, tous les officiers des
deux corvettes et les deux détachements en armes,
s’embarquent de nouveau dans les huit canots des navires
et font route sur Pao. Au moment du départ les
enseignes et les guidons des corvettes sont déployés
et salués par 13 coups de canon, aux mille acclamations
des nombreux sauvages qui les entourent.
Malgré les nombreux pâtés de coraux qui barrent