consul d’Amérique à M. Moerenhout, jusqu’au moment
où M. Du Petit-Thouars lui apporta le titre de consul
de France.
Je déjeûne avec le commandant Du Petit-Thouars,
et ce n’est pas sans surprise que j ’apprends que le
Voyage pittoresque autour du monde était arrivé à
Taïti. On m’avait déjà beaucoup parlé de cet ouvrage
à Rio-Janeiro, à Concepcion et à Valparaiso, mais à
Taïti c’était chose plus remarquable. Aussi en voyant
M. Moerenhout faire un éloge pompeux de cet ouvrage,
surtout pour sa véracité et ses descriptions des moeurs
et coutumes des peuples de l’Océanie, j’éprouve une
véritable satisfaction; mais je m’empresse de déclarer
que je n’avais traité moi-même avec soin que les articles
qui concernent l’Océan ie, et que le reste appartient
presque entièrement à un habile écrivain et observateur,
M. Louis Reybaud.
Après le déjeûner, M. Du Petit-Thouars me propose
de me faire passer l’inspection de sa frégate, et de me
présenter ses officiers. Je n’accepte que la seconde
partie de sa proposition. Quand ces messieurs furent
réunis dans la chambre du conseil, après leur avoir
exprimé combien j’étais flatté de faire leur connais-
naissance, je leur dis que je les félicitais sincèrement
d’être appelés à faire partie d’une aussi belle campagne
que celle de la Vénus, et d’avoir à promener le
pavillon national sur une aussi belle et aussi puissante
frégate. Je les félicitais surtout de l’avantage
qu’ils avaient de pouvoir faire des travaux utiles et
glorieux. Six pied de terre, leur dis-je, finissent par
égaliser tous les rangs, mais la trace fugitive de notre
passage sur la terre ne peut résister à un oubli complet
qu’au moyen des services que chacun de nous
est appelé à rendre dans sa sphère.
Ensuite nous descendons tous à terre. J’entre un
moment chez M. Moerenhout, qui occupe une modeste
habitation sur le bord de la mer. M. Henry, habitant
de l’île, fils d’un des premiers missionnaires de
Taïti, m’est présenté par M. Moerenhout. Il désire être
chargé de la fourniture des corvettes pendant leur séjour
à Taïti. M. Henry se propose ensuite comme interprète
dans la visite que je désire faire à la reine Po-
maré-Vahiné.
Je vais d’abord saluer le général Freyre, ex-président
de la république du Chili, qui habite une petite
case que M. Moerenhout a mise à sa disposition. Il se
rappelle parfaitement m’avoir déjà vu sur la Coquille
en 1823, au moment où il quittait Talcahuano pour
se rendre à Valparaiso et prendre les rênes du gouvernement
du pays. Le pauvre homme faisait tout ce
qu’il pouvait pour supporter avec résignation sa mauvaise
fortune, mais il était facile de voir qu’il regrettait
amèrement sa patrie. C’était un spectacle douloureux
de voir un vieillard, digne d’un meilleur sort,
forcé de passer le reste de ses jours dans un exil dont
on ne pouvait guère prévoir le terme.
M. Moerenhout avait envoyé savoir si la reine était
chez elle, et si elle s’était décidée à nous recevoir.
Depuis l’arrivée de la Vénus, elle avait quitté sa jolie
retraite de l’été, Moutou-Outa sur la rade de Papeïti,