octobre. Pont ^ Astrolabe, semble éprouver quelque crainte
quand je lui apprends que Seteleki doit venir demain,
et que même il désire se saisir de sa personne. Il est
vrai que Seteleki m’a manifesté cette intention, mais
je rassure mon matelot polynésien ; car désormais il
est sous la sauvegarde du pavillon français, et je n’abandonnerai
pas ce pauvre diable qui s’est livré à
nous en toute confiance.
12. Dès six heures du matin, mon ami Seteleki, fidèle
à sa parole, arrive à bord de Y Astrolabe, qui ne tarde
pas à déployer ses voiles. Poussés par une jolie brise
d’est, nos navires s’éloignent avec rapidité, et guidés
par notre habile pilote, nous parcourons sans accident
ces passes resserrées par des rescifs à fleur
d’eau et encore si peu connues. Du haut des barres de
petit perroquet où il s’est campé, Seteleki indique la
roule avec un aplomb et une intelligence admirables,
et bientôt au fait des mots de notre langue qui servent
pour indiquer au timonier quelle est la direction qu’il
doit imprimer au gouvernail, il crie lui-même : loff,
laiche arriver, comme cha, avec un sang-froid merveilleux.
Seul j’aurais eu bien de la peine à me retrouver
au milieu de ce labyrinthe de canaux inextricable.
Seteleki demande à se retirer, me déclarant que
désormais la mer est libre devant moi. Je lui donne
avec joie une dizaine d’aunes de belles étoffes, des
couteaux et autres bagatelles, et enfin deux jeunes
chevreaux qui provenaient des îles Manga-Reva et
qui la nuit poussaient des cris étourdissants. Après
des adieux vraiment touchants, Seteleki s’embarque
dans sa pirogue et nous quitte très-satisfait de ma
générosité.
Mafi, comme je l’ai déjà dit, avait paru la veille
redouter la présence de Seteleki à bord de Y Astrolabe.
Cependant celui-ci lui parle avec amitié, lui fait de
sages exhortations, et finit par lui dire un adieu
amical, en l’embrassant à la mode du pays, par l’attouchement
du nez. Lorsque je questionne Seteleki
sur la conduite de Mafi, il me répond constamment
que c’est un good-man (un sujet excellent), ce qui
s’accorde peu avec le témoignage de Simonet. Du
reste Mafi, un instant ému de sa séparation avec son
compatriote, a bien vite pris son parti, et il paraît
toujours aussi décidé à nous suivre, bien qu’il souffre
cruellement du mal de mer.
En quittant les Hapai, je fais route sur les îles Kaa
et Tofoua, je désire même passer entre les deux, mais
n’apercevant aucune trace de volcan sur la bande
nord de cette dernière, je viens la contourner par le
sud en rangeant sa côte de très-près. Tofoua
se présente comme entièrement formée par la lave.
De sa base au sommet elle présente l’aspect d’une
terre brûlée, sur laquelle poussent à peine quelques
arbres rabougris. Nulle part on n’aperçoit de traces
d’habitations, une seule case, très-misérable et située
sur la pointe est de l’île, paraît aujourd’hui entièrement
abandonnée.
Comme presque toutes le$ terres que les feux souterrains
repoussent au-dessus du niveau de la mer.
1S38.
Octobre.