théâtre et laissent voir de larges espaces qui n’ont
point été envahis par les forêts, et sur lesquels il serait
facile, je crois, de faire des cultures de toutes
sortes. C’est peut-être un des plus beaux points du
monde pour fonder de belles et florissantes colonies.
J’entends ici par colonies, des lieux propres à réunir
et à nourrir dans l’abondance l’excès des populations
européennes, ou même des établissements de
spéculations commerciales.
Du coté de la mer, cette baie est défendue par de
vastes récifs qui ne laissent que des canaux étroits
mais profonds , par lesquels des navires de toute
grandeur peuvent venir chercher le mouillage. On
pourrait sans peine y mouiller toutes les flottes du
monde, bien que des récifs à fleur d’eau qui suivent
les contours de la côte, rétrécissent le mouillage, surtout
du côté de la pointe nord ; il en résulte qu’il est
difficile de mouiller très-près de terre, et que le service
des embarcations doit être toujours assez pénible.
Une distance d’un mille et demi nous sépare de la
pointe la plus occidentale, tandis que nous sommes
éloignés de plus de deux milles des terres du fond de
la baie, d’où s’élèvent les fumées des villages de Tessû
levou et de Boua ou Tama.
Pendant que j ’expédie MM. Demas et Dumoulin sur
la pointe Lacumba, le premier pour y fixer la longitude,
et le second pour y faire une station géographique,
quelques pirogues sortent de la rivière de Boua
et font route sur les corvettes qu’elles accostent
dans la soirée. Du reste, elles n’apportent que des
coquillages (harpes), de l’écàille de tortue et quelques
fruits. Une d’elles est montée par un Kai-tonga q u i,
établi depuis longtemps dans ces îles, semble s’être
adonné spécialement au négoce qu’il paraît du reste
parfaitement connaître, car il conduit ses marchés
avec beaucoup d’adresse. Après avoir vendu ses queU
ques fruits, notre ami tonga nous quitte en nous promettant
des boule-koula qui lui ont été demandés
pour demain, si nous y sommes encore.
J’aurais, bien désiré avoir quatre à cinq jours à ma
disposition pour faire lever un plan détaillé de cette
belle baie, et étudier un peu ce pays qui me paraît si
beau et si riche, et qui du reste est important pour le
commerce du bois de sandal ; mais le temps me talonne,
j’êspère encore pouvoir terminer la reconnaissance
des îles Salomon avant l’arrivée des vents
d’ouest, et pour cela je n’ai pas un instant à perdre.
Aussi suis-je décidé à remettre à la voile dès demain,
pour profiter du beau temps qui règne depuis notre
entrée dans cet archipel.
Il y a un mois environ qu’un brick est venu mouiller
sur rade. Du reste, il paraît que ce mouillage est
fréquemment visité encore aujourd’hui par les navires
du commerce, bien que le bois de sandal soit, dit-on,
devenu très-rare, et que la concurrence établie parmi
les négociants de toutes les nations ait élevé très-
haut les prétentions des naturels pour tous les objets
que les Européens viennent chercher sur leurs côtes.:
Aujourd’hui, en effet, on m’a présenté une carapace
complète d’écaille de tortue en très-belle qualité ;
18.78.
Octobre.