nement et que ma conduite dépendrait de ce que
j ’allais apprendre.
A ces mots, mon homme me répond qu’il est d’abord
peu équitable de rendre toute une société responsable
des fautes d’un seul homme, qu’après tout
il avait cru que la guerre était finie, et que la paix était
faite entre les Français et Taïti.
Un peu surpris par ces paroles dont je ne comprends
pas du tout le sens, je demande à mon tour,
à mon interlocuteur, ce qu’il veut dire par-là, et ce
que signifient en un mot ces expressions de paix et de
guerre.
Et alors j ’apprends, ce que j’ignorais encore, que
la frégate française la Vénus avait mouillé quelques
jours avant nous à Papeïti, qu’elle avait mission de là
part du gouvernement français de demander à la
reine de Taïti, raison des outrages et des déprédations
commises envers des citoyens français. M. le capitaine
de vaisseau Du Petit-Thouars, commandant cette
frégate, avait immédiatement demandé et obtenu
réparation. 2000 piastres avaient été soldées comme
indemnités pour les personnes lésées, le pavillon français
avait été arboré à la porte de M. Moerenhout,
nommé consul de France, et il y avait été salué par
21 coups de canon. Enfin, à l’avenir tout citoyen
français sera reçu à Taïti comme sujet d’une nation
amie.
En apprenant ces nouvelles, j’éprouve une vive satisfaction,
le pavillon français flottait avec honneur
sur l’île Taïti, je me trouvais exempté de l’obligation
de prendre une attitude hostile, dont je ne me souciais
nullement. J’avais en effet quitté la France avec deux
faibles navires pour des considérations toutes différentes.
Dès ce moment, je fais au missionnaire anglais
un tout autre accueil. Je lui renouvelle toute la satisfaction
que j ’éprouve en apprenant que tout est arrangé
; dès-lors je suis tout disposé à reprendre les
sentiments de bienveillance et d’intérêt que j’avais
jadis pour les missions anglaises, et que j ’ai manifestés
publiquement dans mes écrits; et je prie M. Rodgerson
(c’était le nom de cette personne) de vouloir bien
descendre dans ma chambre pour y accepter quelques
rafraîchissements.
Dès ce moment, la conversation s’établit sur un ton
de politesse et d’obligeance mutuelle, M. Rodgerson
m’apprend qu’il n’habite Taïti que depuis fort peu de
temps, qu’auparavant il résidait à Tahou-Ata, l’une
des îles. Nouka-Hiva, mais il a abandonné ce poste
parce que les naturels ne voulaient pas écouter ses
instructions et se montraient parfois très-importuns.
Il termine en m’offrant ses services. Je ne lui dissimule
pas qu’il peut m’être fort utile en accueillant
mon Secrétaire M. Desgraz, et en lui procurant des
renseignements sur les idiomes de Nouka-Hiva et de
Taïti. J’ajouterai ici que M. Rodgerson se montra constamment
poli et très-obligeant à mon égard, durant
tout mon séjour à Taïti. Il serait fort heureux pour
les missions anglaises de ne posséder que des sujets
comme celui-là.
Vers cinq heures et demie, le pilote Gem, l’une de