me rendre sa visite. Il fait la pêche du cachalot, mais
sur 2,600 barils que comporte le chargement de son
navire, il n’a pu encore en recueillir que 400, et il y
a vingt-deux mois qu’il tient la mer. Aussi se plaint-
il amèrement de son métier, qu’il regarde comme
fort peu avantageux, quoique très-pénible. Le Roscof
vient de Taïti, où il n’a fait que passer ; les vivres, dit
le capitaine, y sont à des prix si exorbitants, qu’il est
presque impossible aux baleiniers de s’en procurer.
M. et Mme Moerenhout avaient été assaillis durant
la nuit par deux brigands, dont le but était de les
assassiner. On conservait l’espoir de voir M. Moerenhout
se rétablir, mais sa femme était dans un état
désespéré. M. Pritchard venait de recevoir le titre de
consul de l’Angleterre ; je m’étonne que le cabinet de
St-James ait pu oublier à ce point tout sentiment
d’humanité et de dignité nationale.
Le capitaine du Roscof avait aussi passé à l’île
Charles, dans les Galapagos. Villamil avait quitté
sa colonie naissante de buveurs d’eau ; son successeur
Sanchez avait été fusillé par ses administrés, et le
gouvernement de Colombie s’était emparé de l’établissement.
Empressé de reconnaître les lieux, immédiatement
après mon dîner, je descends avec M. Roquemaurel
pour faire un tour de promenade. Hutchinson est
notre guide. Je vois d’abord avec satisfaction que l’eau
pourra se faire facilement devant les corvettes, en
ayant toutefois le soin de descendre les pièces vides
sur la grève, puis de les rouler pour les embarquer
sur les chaloupes lorsqu’elles seront pleines; la mer *838.
semble briser avec force à la plage, et les embarcations
ne doivent jamais y rester échouées.
Nous traversons ensuite le village. Il se compose
de cases éparses, établies sans ordre au fond de la
vallée, et ombragées par des bouquets d’arbres de
toutes espèces. Quelquefois les naturels les plus prévoyants
entourent leurs demeures de petits vergers
où ils cultivent des patates douces, du taro, et même
quelques pommes de terre. Ces sauvages évidemment
habitués à voir fréquemment des visages européens,
témoignent peu de curiosité à notre aspect. Ils cheminent
tranquillement près des officiers qui sont descendus
à terre, et cherchent par des échanges à en
obtenir quelques bagatelles. Du reste, ils entendent
parfaitement le commmerce à leur profit. Nous remarquons
quelques cochons près des habitations, mais
fort peu de poules.
Vers le centre du village, et sur le bord d’un ruisseau
peu abondant, nous admirons un immense
figuier (houa) dont les cimes touffues couvrent un pi. x l i u .
espace immense. Aux environs j’observe de larges
et hautes murailles construites en pierres sèches, et
qui sans but aujourd’hui, ont dû appartenir jadis à de
splendides moraïs. Toutes les remarques que j’ai pu
faire pendant mon séjour à Nouka-Hiva, m’ont conduit
à penser que cette tribu a été jadis bien plus
nombreuse et bien plus puissante qu’elle ne l’est aujourd’hui.
En revenant au bord de la mer, Hutchinson me