la présence de nos navires, qu’ils soupçonnaient de
ramener Mouana, leur causa d’abord une grande
inquiétude, et il faut reconnaître que leurs craintes
avaient quelques fondements après les menaces de
leur auguste souverain. C’est là l’explication des
questions répétées que m’adressaient à chaque instant
les hommes et même les femmes en me disant
d’un air inquiet Mouana? Mouana? que je confondis
d’abord avec menewe? meneive? ( vaisseau
de ligne). Je croyais comprendre qu’ils voulaient
m’exprimer leur inquiétude et leur surprise à la
vue de deux navires de guerre dans leurs îles, mais
bientôt je compris qu’ils voulaient savoir si leur
roi se trouvait sur nos navires, et s’ils étaient
ménacés par son retour dans leur indépendance
chérie. Aussi je m’empressai de les rassurer, et
ils en avaient réellement besoin, car nos premières
réponses, toujours affirmatives lorsqu’ils me criaient
Mouana, les avaient de plus en plus confirmés dans
leurs craintes.
Depuis l’absence du chef suprême, la vallée reconnaît
trois chefs principaux, nommés Nia-Hidou,
Vavai-Noui et Pakoko, mais leur supériorité était
plutôt morale et religieuse, que positive et absolue;
leur autorité paraît se réduire aux seuls privilèges
d’imposer le tabou, et de présider certaines cérémonies
qui ont déjà beaucoup perdu de leur importance
aux yeux de ces sauvages.
Hutchinson se loue beaucoup de la conduite des
naturels à son égard, et à celui de tous les Européens
établis parmi eux. Il croit que nous n’avons à redouter
de leur part aucune insulte, aucun acte de
violence. Mais en même temps il nous engage à nous
défier constamment de leur avidité et de redouter
leurs larcins; car ils ont conservé pour le vol un goût
tout particulier.
Les cochons sont dans ce moment tabous dans la
vallée de Nouka-Hiva, c’est dire qu’il ne nous sera
pas possible d’en acheter; mais pour de la poudre et
des fusils, nous pouvons nous en procurer dans les
vallées voisines des Tai-Piis de Tai-IIoa ou de
Ata-Touka. Les Tai-Piis sont constamment en guerre
avec les naturels de notre baie. Du reste, toutes ces
tribus sont peu redoutables par le nombre de leurs
combattants ; la vallée de Nouka-Hiva ne compte
guère plus de mille habitants; leurs voisins, les
Hapas, sont encore moins nombreux, et le chiffre
des Tai-Piis ne s’élève pas au-delà de deux mille.
Les habitants du sud de l’île auraient, dit-on, renoncé
au cannibalisme, tandis que ceux de la bande nord
auraient conservé ces horribles festins. Hutchinson
ne connaît pas grand’chose de la religion de ces sauvages,
du reste elle est presque abandonnée. Les
objets les plus directs de leur culte sont les reliques
de leurs chefs ou de leurs prêtres. Lorsque ces derniers
sont parvenus à un âge avancé, il arrive souvent
que même de leur vivant on leur donne les titres et
les pouvoirs des dieux (atouas). Le nom du chef le
plus vénéré était celui à’Akaii.
Le capitaine du navire américain le Roscof vient
i 838.
Août.