se baigner. Enfin quelques-uns sont paisiblement
groupés autour des embarcations qui attendent à la
plage.
En regagnant mon canot, je visitai une colline dénudée
et peu élevée qui forme une presqu’île, s’avançant
légèrement dans la mer, et offrant un petit abri
aux embarcations. Il y a là une assez jolie petite
plage de sable sur laquelle viennent accoster les canots
; grâce à la presqu’île le ressac n’y est pas très-
fort, et les embarcations y trouvent un débarcadère
assez commode. Précisément au pied de la colline et
sur le bord de la grève se trouve l’habitation de Patini,
qui fut 25 ans auparavant la maîtresse de Porter, qui
en célébra la beauté tout en se plaignant de ses nombreuses
infidélités. Fille du vieux roi Rata-Noui, elle
était parente du jeune roi Mouana, auquel elle paraît
encore aujourd’hui porter un vif intérêt. Cette femme
qui doit avoir au moins 40 ans, est encore bien conservée.
Sa figure est agréable et ses manières ont
quelque chose de noble et de distingué, qui la distingue
facilement de ses compagnes. Elle s’est constituée
sur-le-champ l’amie des Français, et en effet
elle fait preuve pour nous de toute la bienveillance
possible.
Malheureusement elle ne paraît avoir aucune autorité
sur ses sujets, bien que ces derniers lui accordent
le titre pompeux de reine {quini, qui évidemment
vient du mot anglais queen ). Elle m’invita
à entrer dans sa case, pour me demander mes bons
offices en faveur de deux de ses parents qui, couverts
d’ulcères, offraient le plus hideux spectacle. Sans
doute Patini s’était fait une haute idée de la médecine
européenne, et elle me croyait doué de toute la
science d’Esculape. Du reste, elle était si accoutumée
à cette vue dégoûtante, qu’elle paraissait à peine s’en
apercevoir. C était une pensée bien douloureuse que
celle de songer qu’un homme souvent beau et bien
portant pouvait à chaque instant être attaqué par une
maladie aussi cruelle. Un aventurier espagnol, d’une
mauvaise mine, aguerri contre de pareilles craintes,
servait dans ce palais sauvage, et était à la fois l’amant
aimé et le serviteur de cette reine.
Près de cette maison, je distingue un moraï de chef.
La hauteur des signes hiéroglyphiques qui couvrent
les arbres environnants, le nombre des banderolles
coloriées qui flottent au gré des vents, indiquent la
destination de ce petit monument.
Je fais à Patini quelques petits cadeaux dont elle
paraît satisfaite, puis je me rembarque, et je rentre à
bord vers six heures.
Le coup de canon de retraite venait de retentir dans
la rade, et l’accès des corvettes avait été permis aux
tendres Nouka-Hiviennes. Aussi à mon arrivée je
trouve le pont du navire envahi par les jeunes filles
qui rient, chantent et folâtrent avec toute liberté.
Nos galants matelots empressés autour d’elles se
disputent leurs faciles faveurs. À chaque coin du navire
se présentent des scènes burlesques, des groupes
animés, dignes du pinceau de Câllot, mais qu’il serait
difficile de décrire. Bientôt las d’un spectacle où
IV.
\ 838.
Août.
Pl. LV.