attention, mais je ne lui dissimule pas que cette démarche
m’avait paru fort inconvenante vis-à-vis d’un
navire de guerre étranger, et que par la suite il
pourrait fort bien arriver qu’un capitaine moins endurant
que moi, la reçût aussi avec moins de sang-
froid. M. Mills, d’abord embarrassé, cherche ensuite
à s’excuser en me disant que cette mesure n’avait
été prise que pour les navires de commerce, et que
ceux-ci, jusqu’à présent, l’avaient regardée comme-
légale.
En quittant M. Mills, nous allons, toujours accompagnés
de Pea, faire un tour de promenade dans la
foret voisine. Une route y est percée et offre une promenade
délicieuse d’une longueur d’un mille environ..
Jamais je n’ai vu de plus beaux arbres, pas même à
la Nouvelle-Zélande ou à la Nouvelle-Gui née, malgré
la beauté de leurs forêts. Elles sont ici faciles à parcourir,
attendu que l’immense hauteur des grandes
espèces empêche le soleil de pénétrer et d’arriver
jusqu’au sol, et par suite les lianes et les arbustes ne
peuvent pas se produire aveé assez d’abondance pour
gener le promeneur ; de beaux pigeons, des grandes
roussettes, des perruches et d’autres jolies espèces
d’oiseaux variés, voltigent dans ces grands bois où
ils portent le mouvement et la vie. La nature organisée
s’y montre déjà bien plus riche qu’à Taïti,
et je ne tarde pas à remarquer une fouie de végétaux
que ce dernier archipel ne m’avait point encore offerts.
Nous passons une heure de la soirée à nous promener
avec délices sous ces ombrages majestueux.
Pea nous mène vers une cascade formée par les eaux &
limpides d’un torrent qui se précipite au travers de pi. lxxiv.
gros rochers basaltiques d’une liauteurde 5 à 6 mètres,
avec un bruit violent. L’eau me paraît si belle que
je me décide à y prendre un b a in , mais sa fraîcheur
me repousse, et cheminant avec lenteur nous reprenons
le chemin de la plage. Tous ihes compagnons
et surtout le capitaine Jacquinot paraissent enchantés
de se trouver sur ces îles encore si peu connues. Cette
relâche nous promet mille avantages et pour la santé
de nos équipages et pour l’accroissement des richesses
de MM. les naturalistes. Aujourd’hui la surface du
globe a été tellement explorée, qu’il faut se féliciter
d’avoir trouvé quelque coin qui ait échappé aux recherches
des voyageurs. Les îles Samoa sont dans
ce cas, à moins que les compagnons du capitaine
Drink-Water n’aient recueilli des observations à cet
égard, car ils nous avaient seuls précédés sur ce terrain.
Nos Français habitués aux beautés faciles de Nou-
ka-hiva et de Taïti, ont voulu ici renouveler leurs
galanteries, mais à leur grande surprise, ils sont désappointés.
Les femmes qui d’abord avaient semblé
disposées à accepter les provocations de nos marins,
ont refusé constamment les propositions sérieuses, et
elles paraissent se soumettre avec sincérité aux défenses
de leur nouvelle religion. Mais elles indiquent
volontiers à nos hommes le chemin d’une tribu voisine
, où ces peuplades conservant leurs premières
croyances, sont encore toutes disposées à trafiquer