plans pariétaux supérieurs, et la chute verticale des plans inférieurs sur lesquels nous avons insisté précédemment.
M. Virchow qualifie d'ogivale la forme qui résulte de la première dé ces dispositions1; nous
verrons plus loin, que cette dénomination s’applique habituellement à une disposition différente, dont
notre planche XXI peut donner dès à présent une fort bonne idée.
L’élévation relative du bregma est presque la même sur l’Aëta mâle de Bataan que sur ceux que nous
avons fait connaître, puisque l’indice de hauteur est 75,6. Le rapport de la hauteur à la largeur est aussi
très-approché de ceux que donnent ces dimensions sur nos Négritos, il se chiffre par 93,6 (1).
La face, remarquable par son peu de hauteur, est relativement assez développée en largeur (diam. bizyg.
max. 0m,135). Elle combine un nez aplati, dilaté à sa racine, et bas pour sa largeur, avec un prognathisme
alvéolaire des plus accentués, qui se manifeste, surtout à la mâchoire inférieure, par une propulsion
que M. Virchow n’hésite pas à comparer à celle qu’on observe chez le singe.
Les quatre crânes de femmes de Bataan ont la même forme générale que celui de l’homme, mais ils
présentent un aplatissement postérieur qui exclut, pour M. Virchow, toute autre explication que celle!
d’une déformation artificielle. Cette déformation porte sur l’occiput qu’elle aplatit verticalement, elle a
pour effet d’élargir en même temps le crâne, et l’indice céphalique devient 80,8, 83,8,86,7 et même 90,6.
Cet aplatissement, portant exclusivement sur les femmes, faisait défaut dans notre série de Binango-
nan. Elle a d’autant plus d’intérêt à nos yeux, qu’elle permet d’interpréter plus sûrement les déformations
semblables constatées chez d’autres Négritos et notamment chez ceux de l’ouest de Mindanao, dont
nous ferons bientôt connaître plusieurs spécimens (2).
Cr â n e s d e s c a v e r n e s d e Ca r am u a n , L a n a n g , e t c . — Deux des crânes brises recueillis par M. Jagor dans
la grande caverne de Caramuan ont montré à M. Virchow une déformation occipitale tombant à pic comme
celle dont il vient d’être question et déterminant « un coude presque angulaire des parois osseuses latérales.
» Cette déformation postérieure coexiste avec un aplatissement antérieur que l’orn constate sur tous
les sujets de la caverne, et qui commence derrière les arcades sourcilières, fait presque entièrement disparaître
les bosses frontales et vient se perdre tout près de la suture coronale. Cet aplatissement a eu pour
résultat de déterminer sur le frontal d’un enfant de deux ans, trouvé avec les crânes adultes, une ostéite
locale qui s’est traduite par un épaississement notable de l’os et la formation d’ostéophyt'es à la face interne
(3). Nous retrouverons de semblables lésions sur certains crânes déformés de races américaines.
Ce que dit M. Virchow de ces crânes déformés de Caramuan ne permet pas de trancher la question de
leur origine. Si nous plaçons ici leur courte description, c’est parce qu’elle nous rappelle celle des
Hilloonas de Mindanao dont il sera parlé plus loin, et qui sont de véritables Négritos.
C’est sous les mêmes réserves que nous croyons devoir dire ici quelques mots de deux autres
séries de crânes déformés de la collection Jagor. M. Virchow semble disposé à considérer toutes ces pièces
comme susceptibles de former une série continue, et a notamment rapproché deux d’entre elles de celles
de Caramuan dont il vient d’être parlé. Ces deux lots de crânes viennent de deux cavernes, l’une sise à
Lanang, île de Samar, l’autre ouverte dans l’écueil de Nipa Nipa, entre Samar et Leyte. Autant qu’on en
peut juger par les notes très-sommaires de M. Virchow (4), l’aplatisseînent se caractérise, sur ces pièces,
à peu près de la même façon que sur les précédentes. Il peut être àpeine indiqué, comme sur le second crâne,
qui ne présente « qu’un certain biais d’un côté » et se rapproche d’ailleurs « de l’état primitif, » ou très-ac-
(1) Voyez noire tableau XVIII.
(2) C’est probablement par la même cause que les têtes des Négritos de Limaï et de Mariveles mesurées par M. Miklucho-Maclay
ont donné des indices allant de 87,5 à 90 (P e te rm a n r is M itth e ilu n g e n , October 1873, S. 22).
■ (3) R. Virchow. Ueber d e n S c h äd'elbau d e r B ew o h n e r d e r P h ilip p in e n , in sb e so n d e re d e r N é g rito s ( V e rh a n d l. d e r B e r lin . G ese lls ch . f ü r
A n th r o p . 1870-71. Berlin, 1871, iri-80, S. 33-34).
■ (4) Id. Geber d i e S c h ä d e l d e r ä lte r e n B e v ö lk e ru n g d e r P h ilip p in e n , in sb e so n d e re ü b e r k ü n s tlic h v e r u n s ta lte te S c h ä d e l d e r se lb e n (;Z e its c h r ift
f ü r E th n o lo g ie , Bd. II, S. 153-157).
cusé comme sur le premier crâne de la même caverne, sur lequel « une chute raide partant de la tubérosité
pariétale » se dirige en bas « comme jamais on ne le remarque sur un crâne naturel. » Des cinq crânes
de Lanang, deux sont déformés, deux autres montrent des traces d’aplatissement, un cinquième est normal.
M. Virchow ne nous dit rien de ce dernier en particulier. Il nous fait seulement savoir des autres, que le
moins déformé a un indice céphalique de 80,1, un indice de hauteur-longueur de 77,8, un indice de hauteur
largeur de 97,1, et que les deux premiers rapports sont représentés sur le plus aplati parles chiffres
94,8 et 80. Le crâne le moins déformé de Nipa Nipa a pour les mêmes indices 89,1, 78,9 et 88,5. Les
têtes de Lanang seraient macrocèphales, suivant M. Virchow, elles cuberaient en moyenne 1510, la capacité
de celles de Nipa Nipa serait de 1380".
Cr â n e d ’A ë ta d ’A r it u k t u k ou Yr ig a . S N o u s revenons aux formes normales avec la description du
crâne de chef Négrito d’Arituktuk ou Yriga, de la collection Schetelig. Ce crâne, qui a appartenu à un individu
parvenu à peu près au terme de sa croissance, offre une capacité relativement modérée (1350 c. c.),
« sa configuration est régulièrement arrondie, le front est plein, le vertex hautement voûté, la région temporale
proémine, l’écaille de l’occipital est fortement arrondie... La région surcilière est indiquée par des
bosses épaisses et poreuses qui se rejoignent au-dessus du nez... Les lignes courbes temporales n’atteignent
pas bien haut... Toutes les insertions musculaires sont indiquées par de profondes inégalités des
fosses et des saillies. » La face est cependant d’une « délicatesse insolite, » mais « l’usure très-apparente
des incisives et des molaires prouve que l’individu n’était plus jeune ; la synchondrose sphéno-occipitale
est d’ailleurs complète et la partie inférieure de la suture coronale gauche est soudée aussi bien que les
• deux parties inférieures de la lambdoïde. » L’orbite est vaste et transversalement carré, les os jugaux sont
peu saillants, la racine du nez est étroite, le dos en est tranchant en bec d’aigle, les maxillaires sont massifs,
le supérieur est légèrement prognathe, l’inférieur ne présente aucune trace de prognathisme. M. Virchow
se montre très-étonné de ne rien trouver de sauvage sur une tête ayant appartenu à une race aussi
inférieure. Nous avons exactement éprouvé le même sentiment en étudiant nos Aëtas de Luçon, etc.
L’aspect généralement adouci des crânes négritos n’est pas une des carctéristiques les moins distinctives
de la race, il a pour résultat de la différencier profondément de la plupart des autres races océaniennes.
Signalons en terminant en même temps que la longueur et la force insolites de l’apophyse styloïde
droite, l’existence d’une anomalie du même côté que nous croyons fort rare, une apophyse paracondy-
lienne avec surface articulaire.
La mensuration du crâne d’Arituktuk a donné les résultats suivants. L’indice céphalique est de 83,4,
l'indice de hauteur-longueur est de 77,10, l’indice de hauteur-largeur est de 93,2. Pour la face, M. Virchow
a trouvé la hauteur du nez de 0m,046, la hauteur de l’orbite de 0m,0345, sa largeur de 0m,0375, le
diamètre bimaxillaire égale 0m,060. La comparaison de ces chiffres avec ceux de notre tableau tendrait
à démontrer que le crâne d’Arituktuk est bien un véritable crâne d’Aëta, et l’opinion exprimée par
M. Jagor qu’il serait métis, fondée exclusivement sur ce fait que la population d’Yriga ne renferme plus
de Négritos purs, ne pourrait guère s’appuyer que sur plusieurs traits de détails, comme la convexité des
temporaux ou de l’occipital, la saillie surcilière, etc., qui rappellent ce que nous avons signalé sur
notre n° 2 de Binangonan (1).
Cr â n e s d e N égr ito s d e S am a r (fig. 196). — La découverte de Lanang ne nous a rien appris de la conformation
crânienne normale de la population primitive de Samar. Les deux pièces offertes par M. H. Cu-
ming au musée du Collège-Royal des chirurgiens de Londres montrent que les aborigènes de cette île sont
de race négrito, et doivent être placés à côté des Aëtas de Luçon avec lesquels ils ont les analogies les plus
(I) Voyez plus haut, p. J74,
Quatrefages et Hamy.