moins réapparaître de temps à. autre ce type si remarquable sur une large surface du monde habité,
qui s’étend des Iles-Britanniques et de la péninsule Ibérique à l’indoustan et jusqu’au continent australien.
Il y a là de quoi prêter à diverses hypothèses. Nous les Citerons plus loin; exposons d’abord les
faits.
Les crânes plus ou moins analogues à ceux de la race de Canstadt, ou Neanderthaloïdes, comme on dit
quelquefois pour résumer en un seul mot les caractères dont la pièce du Neander présente le plus frappant
ensemble, ne sont pas également répartis sur les divers points de l’aire géographique qui les renferme.
Certaines contrées n’en ont pas encore fourni d’exemple aux observateurs; en d’autres pays, au
contraire, ils se rencontrent relativement nombreux. A la tête de ces derniers doivent prendre place
dans notre énumération les Iles-Britanniques.
En traduisant le mémoire de M. Schaaffhausen pour la Revue dhistoire naturelle de Londres (1)M. G.
Busk a donné la figure d’un fragment de crâne extrait d’une profondeur de plus de six pieds dans une
carrière des environs de Plymouth, et dont le frontal en retraite et les sinus projetés en avant n’étaient
pas sans analogie avec nos débris fossiles. M. Schaaffhausen qui n’avait trouvé d’abord à rapprocher de
son crâne du Neanderthal qu’un certain crâne de Plau, en Mecklembourg, qui en diffère énormément par
presque toutes les données numériques que l’on en a fait connaître, M. Schaaffhausen pouvait maintenir
son opinion en présence d’un seul fait qui n’était pas complètement démonstratif. Mais MM. B. Davis,
Türner, King, Carter Blake, Prüner-Bey, Huxley, etc., ont successivement publié une série d’observations
qui prouvent surabondamment que la race de Canstadt a laissé son empreinte durable dans la
population des Trois-Royaumes.
En Angleterre, MM. Davis et Thurnam (2) avaient donné, dès 1856, quelques figures de crânes d’anciens
Bretons présentant avec ceux de notre race fossile plusieurs caractères communs. Les deux auteurs
des Crania Britannica ne sont pas demeurés d’accord sur l’interprétation de ces pièces. Pour M. Davis; en
effet, ces crânes, comme celui du Neanderthal, devraient une partie de leurs caractères spéciaux à.des
synostoses prématurées (3). M. Thurnam, au contraire, classe ces-oblitérations rapides dé sutures parmi
les caractères propres à la race, et communs aux individus platydolichocéphales des temps historiques
ainsi qu’à ceux des alluvions dont ils paraissent descendre. Nous partageons la manière de voir de
M. Thurnam.
Développant sa théorie synostotique devant les sociétés anthropologiques de Londres et de Paris
M. J.-B. Davis (4) a parlé d’un crâne anglais moderne qui reproduit dans tous ses détails celui du Neanderthal
(5). Nous avons fait copier la figure qui accompagne le mémoire de M. B. Davis en la réduisant
au quart (fig. 25). Elle montre « une énorme arcade surcilière qui s’étend à travers la partie inférieure
« de l’os frontal; un frontal étroit, bas et fuyant; une dépression entre l’arcade surcilière et le frontal,
« lorsqu'on le regarde de profit ». Son pariétal est déprimé postérieurement, son occipital saillant est
- (1) G. B osk. On the crania of the most ancient Racés (ff Man by Schaaffhausen, with remarks and original figures, taken from a cast
of the Neanderthal cranium. (Nat. Hist. Rev. 1861, p. 155-475 et pi. V, fig. 6 et 7.)
(2) J.-B. Davis and J. Thurnam. Crania Britannica. Delineations and descriptions of the skulls of the aboriginal and early inhabitants
of the British islands; together with notices of their other remains. London, in-f°, 1856-1865, t. II, passim.$jjjg Gf. J.-B. Davis.
Thesaurus Craniorum. London, 1867,in-8°.
(3; Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, t. V, p. 716. 1864. — M. B. Davis s’est efforcé d’appliquer à ce cas particulier les doctrines de
MM. Virchow, Lucæ, Welcker, sur les synostoses crâniennes. Malheureusement pour sa théorie, l’ossification prématurée de la
suture sagittale a pour résultat d’augmenter la longueur de là courbe pariétale qui s’élève alors de 124mm jF142moe en moyenne.
(J. W yman. Observations on Crania. Boston, 1868, in-8°, p. 34.) Tandis que cette même courbe est, au contraire, raccourcie de
124mm à 199mm sar [e crâne de Brüx, et à 119 sur celui du Neander.
(4) B. Davis. The Neanderthal skull, its peculiar conformation explained anatomically (Memoirs read before the Anthropological Society
of London, 1 .1, p. 281-295. 1863-64). — (Gf. Bull. Soc. d'Anthrop. de Paris, t. V, p. 71.0. 1864.)
(5) Il porte le n° 1029 du catalogue B. Davis. (Thesaurus Craniorum, p. 49.) juw'
projeté en arrière. Toutes les dimensions sont,..considérables, la langueur est presquenla même que
celle du crâne du Neander (<F; 2 0 3 ) ,'.mais la largeur maximum atteint 0», 159, et l'indice céphalique
imonte à 78” 79; la oirconférence horizontale mesure 0“, 578.
M. R. Davis possède encore^ d’autres crânes'anglais modernes qui se rapprochent plus ou moins de
celui, dont nous venons de.reproduire la courte description. Sa oollection compte,en outre divers sujets
provenant d’anciennes sépultures de la Grande-Bretagne, et qui paraissent, tendre plus.,.,ou moins vers
Fig. 28. — Crâne de saint Mansuy, évêque
deToul. (M. Godron.)
Fig. 26. — Crâne de l’abbaye de Louth
(Irlande). (M. Carter Blake.); w
Fig. 27. — Le même, avec le profil superposé
du crâne du Neanderthal.
notre type fossile. De plus M. Huxley a reçu de M. Brown (de Burton-on-Trent) partie d’un crâne extrait
des alluvions de la Dove, près Ledbury (Derbyshire), qui en répète presque tous les caractères : proéminence
des arcs surciliers, sinus frontaux très-vastes, aplatissement et élongation des os, forme générale de
la voûtei oblitération partielle des sutures coronale et sagittale, etc., (2). M. T.-W. Smarth a déposé
dans le musée de la Société d’Anthropologie de Londres un coronal trouvé dans l’îie de Portland dont les
formes qu’il qualifie sans hésitation de pré-celtiques appartiennent indubitablement au type que nous
étudions (3)v
M. Barnard Davis a aussi rencontré le type dont nous parlons en Irlande. Du moins deux des trop
courtes descriptions qu’il donne de ses crânes irlandais le font conjecturer. Nous avons d’ailleurs pour
cette dernière île de nombreux documents, dispersés dans plusieurs autres écrits récents sur la matière.
M. King, par exemple, dans le mémoire que nous avons cité plus haut (4), parle d’une tête de l’abbaye
de Gorcomroo dans les monts Burren, analogue à celle du Neander.
Les mémoires de la Société d’Anthropologie de Londres contiennent la description d’une autre voûte
crânienne de même forme d’origine irlandaise (fig. 25 et 26) trouvée dans l’abbaye de Louth (5). Le
(1) P runer-B ey. Der Mensch im Raume und in der Zeit. München, 1860, in -4 °, p. 52 et suiv. et pi. I et II.
(2) Cette pièce est figurée dans la secondé partie de l’ouvrage deM. Samuel Laing. Prehistoric Remains of Cuithness... with, notes
on the human remains by Th. Huxley. London, 1866, in-8°, p. 114 et fig. 44-47.
(3) Anthropological Review, t. HI, p. 373. 1865.
(4) King. Mèm. cil., p. 91, n.
(5) Garter B lake. On certain simious skulls with especial reference to a skull from Louth in Ireland (Mem. read before the Anlhrop.
Soc. of London, A. II, 1865-66, p. 74 et pi.)