Crâne d ’Isola del L ir i. — Cette différence dans la capacité du crâne est la seule qu’ait relevée
M. Nicolucci, dans la communication que nous venons de citer, entre les crânes de Cantalupo et d’Isola
del Liri. Cette dernière pièce cuberait seulement suivant le savant anthropologiste napolitain 1306 c. c. (1),
environ ud quatorzième de moins que la précédente, qui représenterait dans la crâniologie italienne un
développement du même type à une époque plus récente de l’âge de pierre. Ce que nous savons des différentes
capacités crâniennes observées dans la race de la Vézère, dont les représentants septentrionaux
que nous allons étudier, nous représenteront une variété bien amoindrie, nous autorise à accepter le
rapprochement institué par M. Nicolucci, rapprochement que confirment du reste la description, les mesures
et les dessins publiés dans YArchivio de M. Mantegazza (2).
Nous voyons, en effet, dans ce court mémoire que le crâne trouvé dans les dépôts quaternaires d’Isola
del Liri, est dolichocéphale avec un indice céphalique de 74, 86, que son contour horizontal est d’un
ovale régulier un peu renflé vers les bosses pariétales, que suivant sa courbure antéro-postérieure il décrit
un arc de cercle légèrement déprimé au vertex avec un peu d’aplatissement sagittal postérieur. Vu
de face, le crâne d’Isola del Liri montre des sinus frontaux un peu proéminents et tendant à se rejoindre
sur la ligne médiane et séparés par une dépression d’une bosse frontale moyenne que surmonte une petite
voussure médiane bien visible sur la planche qui accompagne le mémoire, et qui se prolonge sur
tout le vertex donnant à la tête une forme quelque peu ogivale. A la région occipitale très-développée en
tous sens et surtout relativement bien plus large que la région frontale, M. Nicolucci a remarqué des
lignes circulaires bien apparentes, une tubérosité modérée et un plan cérébelleux presque rectiligne des
courbes supérieures au bord postérieur du trou occipital. Les apophyses mastoïdes sont grosses et rugueuses,
en rapport avec des muscles puissants, et le trou occipital, distant de 0m,010 de la ligne biau-
riculaire est plus en arrière, dit notre collègue, que dans aucun autre crâne italien.
Il n’existe de la face quë le bord gauche de la mâchoire supérieure avec deux dents molaires et une
prémolaire. La direction de ce fragment fait supposer à M. Nicolucci que le fossile d’Isola del Liri ne présentait
pas de prognathisme alvéolaire.
On trouvera les mesures de M. Nicolucci qui sont comparables aux nôtres, dans le grand tableau de
mensurations qui termine le présent paragraphe.
Crânes de Solutré. — Après avoir suivi, aussi loin qu’il nous a été possible, du côté du Midi les traces
de l’extension ancierine de la race de Cro-Magnon, étudiée dans son type masculin, il convient de revenir
à notre point de départ, pour recommencer vers le Nord le cours de nos investigations. La première
station dans cette direction, où la race que nous étudions ait été reconnue, est celle de Solutré en
Mâconnais. Découverte en septembre 1866 par MM. de Ferry et Arcelin, fouillée depuis par ces deux
archéologues, puis par MM. de Fréminville, Ducrost, Chantre, etc. (3), cette localité a successivement mis
entre les mains des anthropologistes un grand nombre d’os qui formeraient pour l’étude des hommes
quaternaires la plus précieuse de toutes les collections, si l’authenticité de toutes ces pièces était également
constatée.
Malheureusement-â l’époque où la plus grande partie des sépultures de Solutré ont été fouillées, les 1 * 3
(1) Etant donnés les chiffres portés au tableau qui termine lè paragraphe, le nombre de 1306 c. c. nous parait sensiblement trop
faible.
.(2) Nicolucci. Sopra un cranio preistorico rinvenuto presso Isola del Liri, Terra di Lavoro. (Archivio per VAntropologia e la Elnologia,
1.1, p. 284-291 et pl. VIII. Firenze, 1871.)
(3) JOE. de Ferry. L'ancienneté de l'homme dans le Mâconnais, br. in-4°, Gray, 1867. —A. Arcelin. Notes sur les antiquités préhistoriques
de la vallée de la Saône. (Rev. du Lyonnais, 1867.J — H. de Ferry. L’homme préhistorique en Mâconnais, br. in-8°. Dijon, 1868.
— II. de Ferry et A . Arcelin. L'âge du renne en Mâconnais, mémoire sur la station du Clos du Charnier à Solutré, br. in-8°. Mâcon,
1868. _H. de Ferry. Le Mâconnais préhistorique, mémoire sur les âges primitifs de la pierre, du bronze et du fer, en Mâconnais et
dans quelques contrées limitrophes... avec notes, additions et appendice, par A. Arcelin, accompagné d’un supplément anthropologique
par le docteur Prüner-Béy. 1 vol. avec atlas. Mâcon, 1870, in-4°, etc.
archéologues ne possédaient pas les données scientifiques nécessaires pour distiDguer à coup sûr des
inhumations moins anciennes celles que l’on peut aujourd’hui rattacher avec quelque précision à l ’époque
à laquelle florissait la race dont nous donnons la description anatomique. Aussi dans les collections
recueillies par H. de Ferry et M. A. Arcelin, que l’obligeance de M. Broca vient de mettre à notre disposition,
les crânes diffèrent-ils autant par leur état de conservation, leur patine ou leur gangue que par
leurs caractères anthropologiques. M. l’abbé Ducrost, auquel on doit un travail sérieux et approfondi sur
la station de Solutré, le seul que nous ayons mentionné dans notre historique (I) réduit à sept le nombre
des têtes des collections mâconnaises qui peuvent appartenir à l’époque de transition quaternaire. M. de
Mortillet les considère, d’après ses propres observations, comme beaucoup plus nombreuses. D’après les
inscriptions qu’ils portent ou les renseignements fournis par les publications auxquelles ils ont donné
lieu, comme aussi par l’ensemble de ces caractères physiques auxquels nous faisions allusion plus haut, il
paraît qu’on peut estimer à une quinzaine le nombre des crânes contemporains du mammouth et du renne
découverts à Solutré, en y comprenant les trois pièces du Musée de Lyon décrites par M. Lartet.
Crâne ©è Solutré, n° 5 (fig. 57 et 60). — Mais de ces crânes, six seulement se prêtent à des recherches
détaillées. Le premier, rapproché déjà'par M. Prüner-Bey, dans le mémoire que nous avons cité, de
ceux que M. L. Lartet a trouvés aux bords
de la Vézère (2), porte le n° 5 de la collection.
Rencontré au contact d’un foyer paléolithique,
son gisement quaternaire paraît
bien établi. 11 rappelle par ses courbes antéro
postérieures (fig. 57) transversales et horizontales
(fig. 60), les crânes des aborigènes
du Périgord, mais il se rapproche plus encore
d’un type fort voisin dont il nous reste
à parler, celui des alluvions des moyens niveaux
de la Seine. Ainsi ses diamètres antéro
postérieur, transverse et vertical et les
longueurs atteintes par ses courbes sont sensiblement
inférieurs à la plupart des données
numériques similaires recueillies sur
les crânes de la Vézère. La réduction porte
plus particulièrement sur les dimensions
- Crâne de Solutré, n° 5 (nu de profil '■
'2 grand.)
d ’avant en arrière; le frontal est surtout
’ (Coll, de Ferry, à Bussières.)
raccourci; le pariétal l’est un peu moins, tandis que la région occipitale est plus dilatée, même absolument,
que la région correspondante du vieillard de Cro-Magnon.
On retrouve cependant une bonne partie des détails spéciaux que reproduisent les précédentes descriptions,
depuis la forme des sinus\ la voussure médiane du frontal, etc, jusqu’à la saillie de l’occipital,
l’effacement de la protubérance externe, ou l’obliquité en avant et en bas du plan cérébelleux.
Les sutures, relativement simples et toutes ouvertes, sont plus serrées en avant, et les anomalies par
multiplication des points osseux dans la région occipitale, dont nous parlions deux pages plus haut, se
reproduisent une fois encore. Un os. wormien de 0“, 029 de haut sur 0”, 035 de large occupe le lambda,
(1) Voir plus haut, p. 45. — A l’époque où l’historique sus-mentionné a été rédigé, nous n’avions pas eu connaissance des originaux
de Solutré, et le discrédit jeté sur ces pièces par les déterminations étranges dont elles avaient été l’objet, nous avait
engagé à les omettre dans l’énumération des documents relatifs à la jrace de Cro-Magnon.
- ' (2) Pruner-Bey. Loc. cit. ', p. 16 et suiv.
Quatrefages et Hahy. . 9