Nous avons déjà dit qu’il ne paraît pas y avoir de Noirs à cheveux lisses dans l’intérieur de cette grande
terre. Le nom même employé par Lesson y est, en tout cas, complètement inconnu ; aussi M. Otto Finsch
a-t-il proposé de le rayer de la nomenclature ethnologique (1). Nous le maintenons néanmoins sous la
forme un peu différente de Wandammen, comme le nom d’une grande tribu qui occupe le fond du golfe
du Geelwink, ainsi qu’on peut le voir sur les cartes de Melvill van Carnbee, de M. G. Cora et de M. Finsch
lui-même, et qui paraît être d’ailleurs de race Papoua tout à fait pure. Deux fractions de ces Wandammens
ont été l’objet de recherches anthropologiques. Ce sont celle de Wandessa ou Wannessan, qui habite une
petite île fort voisine de la côte, dans une baie de même nom, et dont M. Swaving a mesuré quatre
crânes (2), et celle de Rubi, située au fond du golfe, que M. Meyer a visitée et sur le territoire de laquelle
il s’est procuré vingt-trois têtes étudiées dans le mémoire souvent cité plus haut (3).
Les crânes masculins de Wandessa, dont deux font partie de la collection du résident hollandais de
Ternate, M. Nieuwenhuis, sont exactement de la même longueur que ceux de Doréi (0m,183), à peine plus
étroits ((P, 128), et un peu plus hauts (0m, 4 345), un peu plus hypsistènocèphales par conséquent, suivant la
nomenclature de M. J.-B. Davis (indices : 69, 93 ; 73, 49 et 105,07). Les seules différences de quelque
importance que permettent de constater les chiffres portent sur la circonférence médiane totale un peu diminuée,
et sur la hauteur de la face, qui est un peu plus grande, au contraire, chez les Wandessa, et conserve
les mêmes dimensions transversales en haut en se dilatant très-légèrement au niveau des arcs
zygomatiques. Les dimensions des orbites sont presque les mêmes dans les deux séries, et l’indice orbitaire
est seulement quelque peu moins élevé. Le nez, de même largeur, est un peu plus allongé.
Le crâne de femme Wandessa, de la collection Nieuwenhuis, quelque incomplètement étudié qu’il se
présente dans l’oeuvre de M. Swaving (4), permet cependant d’apprécier déjà plusieurs des traits essentiels
de la tête féminine dans la race Papoua. Par exemple, les mensurations nous le montrent sensiblement
plus court (d. a. p. 0“,166), tandis que sa largeur demeure à peu près la même (d. tr. max. 0“, 129) que
celle des crânes masculins de la même tribu. Aussi l’indice céphalique s’élève-t-il considérablement
(77,71). Le raccourcissement constaté porte sur la moitié antérieure de la voûte, tandis que la moitié
occipitale prend au contraire une plus grande amplitude. Les courbes frontale et pariétale réduites à
0“, 110 et à 0m,120, et la courbe occipitale qui monte à. 0“, 120, témoignent suffisamment de ces modifications
(4).
Cr â n e s d e W a n d am m en s d e Ru b i . — Si, au lieu de distinguer les sexes dans sa petite série de Wandessa,
M. Swaving s’était borné à en relever les mensurations moyennes, il aurait fourni des éléments numériques
bien voisins de ceux que l’on peut tirer des observations de M. A.-B. Meyer sur les Wandammens
de Rubi. En établissant, en effet, la moyenne des vingt-trois têtes publiées, sans distinction de sexes,
dans le mémoire de ce naturaliste souvent cité déjà au cours de notre ouvrage, nous avons trouvé les
chiffres consignés à la cinquième colonne du tableau XXIV, chiffres qui s’écartent très-peu de ceux des
quatre Wandessa pris ensemble, dans tous les cas où ils leur sont exactement comparables. Par exemple,
le diamètre antéro-postérieur des crânes de Rubi est de 0m,181, celui des Wandessa était 0m,179j ;le diamètre
transverse mesure0”, 130 chez les premiers, 0m,1285 chez les seconds ; l'indice céphalique est 71,82
dans une série, 71,78 dans l’autre, etc. M. Meyer a accompagné ses chiffres de quelques observations
intéressantes. On le voit tour à tour porter son attention sur la saillie surcilière et l’enfoncement de la
racine du nez, sur la dilatation de celle-ci, sur la dépression de l’angle antéro-inférieur des pariétaux et
l’aplatissement léger de ces os en arrière, sur le renflement de la moitié supérieure de l’écaille occipitale,
(1) O. Finsch. Neu-Guinea und seine Bewohner. Bremen, 1865, in-S°, p. 38;
(2) C. Swaving. Op. cit., tab. VII. *
(3) A . B. Meyer, op. cil.
(4) C. Swaving. Op. cit., tab. VH.
le développement des lignes courbes, le rétrécissement des ailes du sphénoïde, etc., etc. L’asymétrie est
fréquente à Rubi, dans six observations sur vingt-trois elle s’est montrée très-manifeste. L’ossification des
sutures s’observe le plus ordinairement dans le bas des coronales. Les anomalies osseuses sont des plus
communes. M. Meyer a constaté une fois la persistance de la médio-frontale, une fois .aussi l’existence
du prolongement frontal de l’écaille temporale des deux côtés, qu’une autre fois il ne rencontrait que du
seul côté gauche, tandis qu’.un os wormien en faisait l’office à droite. Cette dernière disposition s’est retrouvée
aussi, mais à droite seulement, sur deux autres têtes. Une autre a présenté un wormien dans
le bas de la coronale de même côté. A quatre reprises de petits os complémentaires se sont montrés dans
la suture temporale. Enfin quatre fois M. Meyer a vu des wormiens plus ou moins importants dans les
articulations lambdoïdes. L’un de ces derniers formant l’angle supérieur de l’occipital atteignait 0m,05
de longueur, un autre de 0m,038 est représenté dans la première planche du mémoire (1). Onze crânes sur
vingt-trois offraient ainsi des irrégularités dans leurs articulations.
Crânes de Papouas de Jobie et de Mysore. — Les îles de Guillaume Schouten, au nord de la baie du
Geelwink, dont les Wandammen occupent le sud, contiennent une population en très-grande majorité
semblable à celles que nous venons de passer en revue.
Jobie, la plus grande de ces îles, a été peu étudiée au point de vue anthropologique. Un seul crâne y
a été recueilli jusqu’à présent; il appartient au docteur Yan Renesse Van Duivenbode, de Ternate,
qui l'a communiqué à M. Swaving. Les mensurations prises par ce dernier, et reproduites en partie
dans notre tableau XXIV, montrent que cette pièce ne diffère des précédentes que par quelques détails
sans grande importance, un peu moins de hauteur relative, par exemple, un peu moins de capacité, etc.
Le groupe de Mysore est beaucoup mieux connu, depuis la belle exploration de M. A.-B. Meyer. Nous
avons déjà eu l’occasion d’examiner quatre des pièces qui composent la riche collection ostéologiqué que
ce naturaliste a formée à Kordo (2). Le Musée de Dresde possède cent huit autres crânes delà même localité,
dont M. Meyer a publié les mesures dans le mémoire que nous avons eu plusieurs fois déjà l’occasion
de consulter (3). Sur ces cent huit pièces, quatre-vingt-seize ont appartenu à des adultes des deux sexes.
Les moyennes des mesures de M. Meyer, comparables aux nôtres, sont calculées et inscrites à la septième
colonne du tableau XXIV ci-après (4). On voit par tous ces chiffres que le volume des crânes de Kordo est
un peu supérieur à celui des autres Papouas précédemment examinés, ce qui tient à l’intervention dans la
série de M. Meyer d’un petit nombre de crânes qui surpassent de beaucoup les autres en volume. La
capacité moyenne (4339cc), supérieure de 28cc environ à celle des diverses collections du nord-ouest de la
Nouvelle Guinée précédemment examinées, ne l’emporte de ce chiffre que parce que dans les têtes qui
cubent plus de 1400e®, six ont 1480e® et plus, trois dépassent 1500“, une dernière enfin atteint 1660.
Le diamètre antéro-postérieur moyen demeure pourtant le même qu’à Doréi, 0“,183 ; le diamètre
transverse correspondant s’accroît à peine (0m,132), mais l’augmentation se chiffre par 0“,007 sur la
hauteur (d. bas. .bregm. 0m,139), ce qui tient en partie, d’ailleurs, aux procédés de mensuration
adoptés parM. Meyer. Les indices fournis par la comparaison des diamètres sont 72,51, 75,95 et 105,30,
très-peu différents de ceux de Rubi auxquels, seuls, ils sont exactement comparables. Les mesures con-
(1) A. B. Meyer, op. cit., taf. II.
(2) Voir plus haut, p. 205.
(3) A. B. Meyer, op. cit., s. 61-83.
(4) Nous avons pris en bloc ces quatre-vingt-seize observations, sans oublier cependant les réserves que nous avions faites plus
haut sur dix d’entre elles (p. 206), qui pourraient se rapporter à des produits du métissage entre les Négritos Papous et les Papouas. Mais
comme M. Meyer n’a pas distingué les sexes dans ses tableaux, et que dans la race Papoua on voit l’indice céphalique s’élever parfois
considérablement chez les femmes, nous avons pensé qu’un certain nombre de ces pièces, supposées d’abord de race mêlée, pourraient
bien devoir au sexe leur raccourcissement relatif, et cette considération nous a empêchés de les détacher du reste, pour en faire une
colonne à part, ainsi que nous l’avions projeté d’abord.
Quatrefages et Hauy. 32