d’établir sur de meilleurs fondements une opinion contraire (i);-» Eschricht avait professé une doctrine
toute semblable (2), que Retzius avait généralisée, tandis qüë Rask, Petersen, Christie, etc. la fortifiaient
d’arguments empruntés à la linguistique, à l’ethnographie, etc.
M. Paul Gervaîs, guidé, de son côté, par l’aspect boréal de la faune des derniers temps quaternaires, a
aussi rapproché des habitants actuels du Haut-Nord les hommes contemporains du renne et des autres
Fig. 150. — Crâne de Lapon de Kauto keino. (Vu de face, 1/s gr.) Fig. 151. —[.Le môme crâne. (Vu de profil, */j gr. Mus. Hist. Nat.)
espèces appropriées aux climats froids (3). Mais c’est M. Prüner-Bey qui, reprenant sur d’autres données
les théories de Serres et leur donnant des bases anatomiques plus étendues, a institué depuis. quinze
ans le plus grand nombre de comparaisons ostéologiques entre les hommes des âges préhistoriques
et un grand groupe appelé par lui Mongoloïde auquel se rattachent les allophyles actuels et un certain
nombre d’autres. Les rapprochements auxquels il est arrivé, concordant jusqu’à un certain point avec
ceux que fournissent l’archéologie préhistorique et la paléontologie, ont pris sous la plume de M. Primer
un degré de précision inespéré. Et il en est résulté tout un corps de doctrines très-simple et très-clair,
bien séduisant par cela même, mais dont Fauteur a malheureusement forcé parfois les applications. Les
premiers résultats avaient été formulés par M. Primer avec une hésitation bien naturelle en si difficile
matière. Dans un premier mémoire il s’était même montré réservé sur la diagnose des types ethniques
du tumulus de Gentoud, près Genève, et n’avait guère appuyé que sur l’antériorité présumée du type
brachycéphale (4).
Nous le voyons en 1861 accentuer ses opinions dans le même sens que les savants suédois. 11 déclare
alors à la Société d’Anthropologie de Paris que l’un des deux groupes de brachycéphales de ces contrées,
qu’il distingue l’un de l’autre par leur volume céphalique, ressemble aux Lapons (fig. 150 et 151) (5).
Les discussions qui surgissent quelques années plus tard sur l’ethnogénie européenne le trouvent plus
(1) Retzius. Trwl.cii. (Ann. Sc. Nat. Zoologie, 3e sé rie, I. VI, p. 165, 1846.)
(2) Dansht Folkeblad, V, 15 septembre 1837.
(3) P. Gervaîs. La Caverne de Bize et les espèces animales dont les débris y sont associés à ceux de l’homme, br. ïn-8. Montpellier, 1864,
p. 24. — L’Ancienneté de l’homme et la période quaternaire, p. 59,112, 121. — I/auieur avait émis ces idées dès 1855.
(4) ’Priiner-Bey. Der Mensch im Baume und in der Zeit. München, 1859, in-4, p. 55-58.
(5) Id. Bull. Soc. d’Authrop. de Paris, t. II, p. 650, 1861.
RAGES HUMAINES FOSSILES DE FURFOOZ, DE LA TRUCHÈRE, ETC.
affirmatif. Les braohycéphales de Gentoud sont pour lui des Ibères (1), ceux d’Hyères, des Ligures (2),
dont il retrouve la trace à.Saint-Cézaire, à Tharros, etc. (3).
Enfin dans un mémoire sur des crânes de Clarisses d’Annecy (4), éminemment brachycéphales (leur
indice moyen est de 85,87) et qu’il décrit comme des crânes Ligures, il accentue les analogies du type
ainsi dénommé avec les types finnois (fig. 152, 153), lapon (fig. 150,151) et même kalmouque. Ce type
« est le mongol des naturalistes, le touranien des linguistes» dont M. Pruner-Bey cherche à démontrer
l’existence en Piémont,en Savoie, en Provence, en Poitou et jusqu’aux rivages de la Manche. Un crâne
supposé ligure, provenant des fouilles de Valbonne est assimilé au crâne lapon (5), d’autres têtes du
même cimetière sont identifiées à des têtes finnoises, etc., etc.
A ce moment M. Prüner-Bey embrasse dans ses conceptions l’ethnogénie entière de nos contrées pendant
les temps préhistoriques. Tous les anciens habitants de l’Europe occidentale, quelle que soit leur
provenance d’ailleurs, sont rapprochés des populations actuelles dites Mongoloïdes. Mésaticéphales, sous-
brachycéphales ou brachycéphales, ils appartiennent respectivement aux groupes Finnois, Tartare, Lapon,
etc.; et lorsque M. Louis Lartet découvre, en 1868, les dolichocéphales de Cro-Magnon dont la
Coexistence avec un certain nombre d’animaux éteints ou émigrés vient démontrer la haute antiquité (6),
c est encore parmi des populations considérées par lui comme Mongoloïdes que M. Prüner-Bey va chercher
ses points de comparaison (7). C’est à cette application nouvelle de sa doctrine générale qu’on a
donné le nom de théorie esthonienne; suivant cette manière de voir la race troglodytique de Cro-Magnon
ne serait autre que l’une de celles aujourd’hui cantonnées dans les provinces Baltiques. Une ancienne
(1) Pruner- bey. Ibid., t. Y, p. 417, 432, etc. 1864.
(2) Id. Ibid., t. VI, p. 458, 1865. .
(3) Id. Ibid., t. VI, p. 105, 1865, 2° série, 1.1, p. 445, 1866.
(4) Id. Crânes d’Annecy en Savoie (Ibid., t. VI, p. 190-199,1865.
(.5) Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, 2° série, 1.1, p. 450, 1866.
(6) Voyez plus haut, p. 45.
(7) Prpner-Bey, Sur les ossements humains des Eysies (Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, 2® sér., t. III, p. 416 et Reliquioe Aquitanicoe,
p. 86 et suiv.) *
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