Si le nom de Mongoloïdes doit rester dans la nomenclature pour désigner un groupe ethnologique,
l’Esthonien plus ou moins brachycéphale y devra figurer à côté, mais à quelque distance du' Finnois, du
Lapon, de l’Ostiak, etc. Mais il ne nous paraît pas que les caractères communs à cet Esthonién et aux
races fossiles de l’âge du renne de Belgique, soient assez nombreux ni assez prépondérants pour qu’il soit
possible de faire à ces dernières une place dans ce groupe, à moins de lui attribuer une extension qui
rendrait difficile d’en préciser les limites.
Gr e n e l l e E - En réunissant dans un seul et même groupe des crânes aussi différents que ceux de
Furfooz et de Cro-Magnon, en assignant à ce groupe un nom significatif et qui suppose des ressemblances
que nous ne saurions reconnaître lorsqu’il s’agit de ces deux races, M. Prüner-Bey donnait à la doctrine
des jMongoloïdes primitifs quelque chose de vague et de mal défini. Est-ce à dire pour cela qu’elle soit
toujours erronée comme l’ont avancé plusieurs de ses détracteurs? Non. Ici,7 comme presque toujours,
la vérité se trouve entre les opinions extrêmes mises en présence. Poussée trop loin par le savant qui lui
a donné une nouvelle vie dans ces dernières années, appliquée hors de propos par les disciples qu’elle
avait su grouper autour d'elle, repoussée au contraire avec une hostilité quelquefois systématique par
des adversaires ardents et convaincus, cette doctrine est inacceptable pour Cro-Magnon et Furfooz, mais
s’adapte assez bien aux trouvailles de Grenelle et
de Nagy-Sap et trouve enfin dans celle de la
Truchère une démonstration satisfaisante.
Si nous' comparons, en effet, les crânes de
Grenelle qui nous sont bien connus à ceux des
races dites allophyles du nord de l’Europe, nous
pourrons constater que ces précieux fossiles
présentent avec certaines têtes laponnes des ressemblances
marquées. Nous disons certaines têtes
laponnes, car tous les crânes lapons ne sont pas
absolument identiques, quoique montrant en
somme une variabilité moindre que celle d’un
grand nombre d’autres races plus élevées sur
l’échelle de la civilisation. Il en est, et ce sont
malheureusement ceux qui frappent le plus l’attention,
qui présentent, comme celui de nos
figures 150 et 151 (1), une conformation anor-
Fig. 1«. - Crâne a. L.po„ .„ci™ de j e u , , , . « de profil, , w . ™ le cl Probablement pathologique. Ce crâne
Musée de l’Inâtitut Carolin de Stockholm, coll. Von Düben, n° î). figuré par M. Guérault (2) dans SOn mémoire SUr
les races hyperboréennes a malheureusement
été considéré comme typique dans quelques-unes des discussions sur les races anciennes de l’Europe.
Or ce lapon que nous reproduisons à dessein dans notre texte diffère sensiblement de la plupart de ceux
des vastes collections que nous avons étudiées dans le Nord, et particulièrement de ceux des anciens
indigènes extraits par M. Von Düben du vieux cimetière de Jokkmçkk. La figure 157, diagraphée par
l’un de nous au musée de l’Institut Carolin de Stockholm, met sous les. yeux de nos lecteurs le profil
caractéristique d’un de ces anciens lapons d’autant plus intéressants à étudier qu’ils représentent assez
bien le type moyen de la race (3).
(1) . Voir plus haut, p. 136.
(2) H. Guérault, Mémoire sur les caractères différentiels de la conformation crânienne chez les Lapons et les Esquimaux (Mém. Soc.
d’Anthrop. de Paris, 1.1, p. 177, et pl. V, fig. 3. Paris, 1863, gr. in-8).
(3) Par exemple les cinq lapons de Jokkmokk du musée de l'Institut Carolin ont un indice céphalique moyen de 84,73, avec un
Les crânes de la carrière. Hélie, voisins de ceux de Jokkmokk par un certain nombre de caractères
faciaux et crâniens importants, se tiennent numériquement à peu près à égale distance des deux séries
modernes les plus nombreuses que nous ayions pu étudier, celle de Kautokeino dont presque tous leé
éléments sont à Paris, et celle de Lycksele, rassemblées Stockholm par Retzius. Les indices céphaliques
suivent la progression Lycksele, Grenelle, Kautokeino (1), etc. Les diamètres antéro-postérieurs et
transverses, les courbes horizontales se placent dans le même ordre.
Mais les courbes antéro-postérieure et transverse supérieure donnent l’avantage aux crânes de
Grenelle, sensiblement plus développés dans le sens vertical que la plupart des crânes Lapons que nous
avons examinés. M. Bertillon avait déjà insisté sur l’aplatissement de haut en bas des crânes Lapons,
et sur la différence qu’ils présentent sous ce rapport avec les crânes français modernes (2).
La race de Grenelle offre, en revanche, moins d’ampleur de base crânienne que la race Laponne, dont
les diamètres bi-mastoïdien, bi-auriculaire, frontal minimum sont plus étendus, l’occipital maximum
demeurant à peu près le même.
La face Laponne est un peu plus longue, mais surtout beaucoup plus large. Sa dilatation en travers,
qui fait suite à celle du front et de la base du crâne est particulièrement manifeste dans la région^
zygomatique où elle devient considérable. L’indice facial est un peu plus faible, l’indice nasal est aussi
un peu moindre, tandis que l’indice orbitaire est un peu plus élevé. Les tableaux que nous donnerons
à la suite de la crâniologie Laponne, dans la seconde partie de cet ouvrage, permettront de pousser aussi
loin que Ton voudra l’analyse comparative, dont nous ne pouvons qu’énoncer ici les principaux
résultats.
Nous ne nous croyons pas autorisés à affirmer, après cet examen, que les habitants de là vallée de la
Seine, à la fin des temps quaternaires, fussent de véritables Lapons. Mais comme les analogies que nous
constatons sont beaucoup plus nombreuses et plus importantes en somme que les différences que nous
avons relevées, nous sommes conduits à admettre que notre race des moyens niveaux supérieurs de
Grenelle appartenait à un groupe voisin de celui auquel on rapporte les peuplades actuelles1 du Nord
minimum de 83,13 et un maximum de 87,50. L'indice moyen des trente et quelques crânes des musées de Stockholm, Christiania,
Paris est dé 84,72,1e minimum descendant à 80,68,1e maximum atteignant 90|23. Remarquons que l'indice 94 relevé par M. Bertillon
sur un moulage du Muséum (Dict. encycl. des sc. méd. v. Laponie, article textuellement reproduit dan9 le Bull. Soc. d'Anthrop. de Paris,
2° série, t. IV, p. 52, 1869), est inexact, le crâne anormal et probablement pathologique que nous avons figuré plus haut(p. 136) ;
mais que nous avons cru devoir exclure de nos moyennes est le plus brachycéphale que nous ayions vu, son indice est de 90,28.
(1) Le tableau suivant montre la place qu’occupe la série de Grenelle au milieu des séries Laponnes, étudiées spécialement au
point de vue des indices céphaliques.
Tableau XVI. — Indices céphaliques des crânes de Grenelle comparés à ceux de trente crânes lapons.
CRÂNES INDICES CÉPHALIQUES
LOCALITÉ NOMBRE MAXIMUM MINIMUM MOYEN
Lycksele 6 84,09 80,68 82,18
GRENELLE 6 8 5 ,0 5 8 1 ,4 6 8 3 ,5 3
Kautokeino 6 86,93 81,35 ' 84,36
Jokkmokk s 87,'50 83,13 84,73
Lulea, Karesuahdo,
Skeleftea, etc. jiyMill 90,23 81,43 ' | 85,85
Quikjökk 2 90,28 \ 86,29 88,28
(2; B ertillon, loc. oit., p. 444.