Crânes de Chaouias. — Ils appartiennent à deux groupes distincts, celui des Chaoüias des monts Aurès
et celui des Kabyles de la grande et de la petite Kabylie. Les Chaouias n’étaient connus jusqu’à ces derniers
temps que par un crâne de femme offert au Muséum de Paris par Guyon et considéré par M. Prüner
Bey comme ne différant de ceux de la quatrième ou de la sixième dynastie d’Égypte « par aucun caractère,
par aucune particularité appréciable » (1).
Un second crâne masculin trouvé par M. Vital à Aïn-Khramiça, chez les Haractas, dans un tombeau romain
où il avait été, sans aucun doute, inhumé à une époque moderne, rappelle également le type Égyptien (2),
Crânes de Kabyles. — Les trente-deux autres crânes berbers que nous avons entre les mains proviennent
tous de tribus Kabyles, et en particulier de celles des Beni-Ratens, des Beni-Mehennas, des Beni-
Menaçers, des Issers, etc. Guyon distinguait, parmi les Kabyles, qu’il avait très sérieusement étudiés, deux
types fort différents (3). Notre collection autoriserait à croire qu’il en existe un plus grand nombre dans,
les montagnes de l’Atlas, qui ont servi de refuge à tant dépeuples dépossédés. L’un de ces types rappelle
celui des Chaouias, un second se différencierait difficilement à certains égards de l’Arabe; un troisième, qui
se manifeste plus particulièrement chez les Issers, tend à se rapprocher du Turc; un quatrième offre les
affinités les plus étroites avec les méditerranéens occidentaux. C’est ce dernier type qui semble prédominer
dans les sépultures mégalithiques de Roknia, dont pourtant, suivantM. Prüner Bey, les hôtes sont
déjà fortement mélangés.
Vue d’ensemble, notre collection berbère offre moins de différence avec la collection arabe qui l’avoisine
dans le tableau XLIX, que ne le donnaient à prévoir les renseignements que possédait jusqu’à présent
la science. Sans doute le crâne et la face sont plus larges chez le Berbère, ainsi que M. Prüner Bey l’avait
annoncé autrefois (4) ; mais cet élargissement se mesure par i millimètre seulement surajouté au diamètre
transverse et par 3 millimètres en plus de diamètre bizygomatique. Le crâne est à peine plus court, et l'indice
céphalique ne varie que d’un centième (73,91 au lieu de 72,97).
Le diamètre vertical l’emporte un peu sur Je transverse et se caractérise par l ’indice 101,47. Le front
est plus droit chez les Berbères que chez les Arabes, plus développé en haut, plus resserré en bas et en
avant, le nez est moins long mais aussi étroit, l’orbite offre exactement les mèches dimensions moyennes
dans un groupe que dans l’autre. Les cavités oculaires sont cependant basses et larges d’ordinaire
chez les Kabyles, mais il suffit que quelques-uns des sujets de la série peu homogène que nous examinons
présentent des proportions très différentes des proportions habituelles, pour que le trait caractéristique
s’efface dans la moyenne qui devient ainsi toute semblable à celle.avec laquelle elle se trouve
mise en parallèle. Les mâchoires sont fortes, verticalement dirigées presque toujours (5) et leur ossature,
comme celle de toute la tête, est bien plus puissante que celle des Arabes qui se distinguent habituellement
parla finesse et la sécheresse de tout leur squelette (6).
Crânes de Gtjanches et d’autres Canariens (pi. XC, fig. i et 2 et dans le texte fig. 477,480 et 48l)l| |p|
(1) Pruner-Bey, Recherches sur l’origine de Yancienne race Egyptienne (Mém. Soc. d’Anthrop., t. I , p. 414, 1863).
(2) Principales mesures du Ghaouia Haracta delà collection "Vital (Mus. Hist. Nat.) : Gap. crân. 1570°*; cire, horiz. 520mm;d. a.-p.
484; d. tr. max. 442; d. bas.-bregm. 430; ind. céph. 77,17; 70,65; 91,55; front, max. 120; min. 102; biorb. ext. 105; bizyg. 129;
haut, face 95; nez long. 50; larg. 24; orb. haut. 36; larg. 39. Mêmes mesures chez la femme Chaouia de Iacoll. Guyon (Mus. Hist.
Nat.): 4345«e;493““ ; 173; 132; 125; 76,30; 72,25; 94,69; 112; 95,; 102; 127; 81 ; 50; 25; 35 et 38.
(3) Guyon, Notes Mss. Lab. d’Anthrop, du Muséum.
(4) P runer-Bey, Op. cit. (Mém. Soc. d’Anthrop., 1. 1 , p . 414).
(5) Mesures des mandibules de 17 hommes Berbères : ï)iam. bicondyl. 96; biangul. 100 ; écart, des 2e* mol. 46 ; des canines 21 •
dist. angul. symp. 85; branche mont. haut. 49; larg. transv. 33; obliq. 34; branche horiz. haut, symph. 32; 2° mol.'26; épaiss. symph.
14; 2e mol. 15; angle mand. »°; alv. ment. »°. — Une femme donne pour les mêmes mesures : 96 ; 96 ; 46 ; 20; 78; 46; 32; 32; 28;
23; 16; 18; » et ».
(6} Quelques mesures prises sur les têtes de 15 tirailleurs indigènes Kabyles ou Chaouias, par M. le général Faidherbe. Cire, horiz.
544“"; d. a.-p. 189; d. tr. max. 143; ind. céph. 75,66; biauricul. 135; front, min. 112.; bizyg. 131 ; biangul. 108; haut, face » ;
haut, nez 50 (L. Faidherbe, Recherches anthropologiques sur les tombeaux mégalithiques de Roknia. Bône, 1868, in-8, tabl. 4 à 6).
Les populations marocaines, dont la crâniologie est absolument inconnue, semblent composées des
mêmes éléments ethniques que celles de l’Algérie. L’élément berbère plus ou moins altéré par des mélanges
semblables à ceux que nous venons d’indiquer y prédomine. On retrouve d’ailleurs cet élément ethnique
jusque dans les régions voisines du Sénégal, auquel les Berbères Zenaga ont donné leur nom. Il joue
aussi un rôle fort important dans l’ethnologie de l’archipel Canarien, peuplé jadis de plusieurs races bien
différentes (1) dont la plus intéressante, la race Guanche, localisée à Ténériffe, nous a fourni dans la première
partie de cet ouvrage des éléments de comparaison extrêmement intéressants (2).
Le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris et la Société d’Anthropologie ont reçu, l’un de M. Verneau,
1,’autre de M. Chil y Naranjo, des collections considérables que M. Verneau doit prochainement publier,
ainsi que les matériaux plus anciennement recueillis par Borda, Bouglinval, Dumoutier et Sabin Berthelot.
Nous nous bornerons à donner ici les principales mesures de la collection de crânes extraits de la grotte
funéraire du Barranco Hundo, à Ténériffe (3), par Bouglinval, collection particulièrement curieuse, à cause
des ressemblances étroites que présentent les sujets qui la composent avec les Troglodytes de Cro-Magnon,
Laugerie, Menton, etc. (4).
Crânes de Syro-A rabes (pl. LXXXVI, LXXXVII, LXXXVIII et dans le texte, fig. 482). —. Le grand
groupe ethnique, par lequel nous terminons cette rapide revue des races blanches, a été longtemps désigné par
les linguistes sous le nom de Sémitique. Nous l’appellerons de préférence avec Prichard et les ethnologues
groupe Syro-Arabe. 11 a été fort mal étudié j usqu’à présent. Ses représentants en Asie sont généralement
d’un difficile accès, et les recherches intéressantes auxquelles avaient donné lieu les Bédouins au moment
de la conquête de l’Algérie sont malheureusement demeurées pour la plupart inédites (5). .
Crânes de Syriens. — Le groupe syro-arabe compte trois subdivisions principales. Les Syriens, qui
composent la première, n’ont été longtemps représentés dans les collections de Paris que par le squelette
de Soliman El Khaleby, l’assassin de Kléber, et par trois voûtes de crânes fort avariées, recueillies jadis à
Bagdad par M. Tastu, vice-consul de France. Un seul des crânes de la collection Tastu, du sexe féminin, partiellement
mesurable, donnait l’indice 75,11 (d. a.-p. 0m177; d. tr. max. 0m133). Le crâne de Soliman est
sous-:dolichocéphale (d. a.-p. 0m186; d. tr. max. 0m143; ind. céph. 76,88) et moins haut que large ; la
face est relativement développée en travers, et un peu écrasée de haut en bas, l’indice orbitaire y descend
à 83,33 et l’indice nasal monte au-dessus de 54 (6).
Les documents recueillis par M. Girard de Riàlle et que M. Prüner Bey a utilisés dans une note présentée
à la Société d’Anthropologie de Paris ; ceux que M. Huber a procurés depuis au Muséum, sont venus nous
apprendre que ce type céphalique qui se rattache peut-être à celui de l’une ou de l’autre des anciennes populations
de ce pays dont l’ethnogénie est si compliquée, est loin de dominer dans la population actuelle. Celle-
ci est le plus souvent formée, semble-t-il, de sujets franchement dolichocéphales, à peu près aussi hauts
de voûte que larges des parois, et dont la face est surtout remarquable par son développement en hauteur
et l’amplitude du squelettè nasal , long et relativement étroit (7).
(1) Cf. R. Verneau, De la pluralité des races anciennes de l'archipel Canarien (Bull'. Soc. d’Anthrop., 3° sér., t. I, p. 429, 1878).
(2) Principales mesures de 13 crânes de Gunnches du Barranco Hundo, à Ténériffe : Gap. crân. 1 635e® ; cire, horiz. 534mm ; d. a.-p.
190; d. tr. max. 143; d. bas.-bregm. 135; ind. céph. 75,26 ; 67,89; 90,21 ; front, max. 121 ; min. 98; biorb. ext. 110; bizyg. 136
haut, face 91 ; nez long. 52; larg. 24 ; orb. haut. 32; larg. 38.
(3) Vôÿ. pl. haut, p; 96.
(4) Nous possédons, entre autres, au Muséum, les portefeuilles de Guyon, sa correspondance avec Flourens, et la collection des
peintures de Landa et Durand destinées àTatlas que Serres et "Walckenaer devaient consacrer à l'Algérie.
(5) Principales mesures du crâne de Soliman el Khaleby, l’assassin,de Kléber. Gap. crân. 1475°°; cire, horiz. 517mm; d. a.-p. 186;
d. tr. max. 143; d. bas.-bregm! 130; ind. céph. 76,'88; 69,89; 90,91 ; front, max. 116: min. 92; biorb. ext. 105; bizyg. 139; haut,
face 88 ;‘nez long. 48; lârg. 26; orb. haut., 30; larg. 36.
.. (6) Prüner Bey et Girard de Rialle, Crânes de Syrie (Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, 2« sér., 1.1, p. 563-572, 1866).
(7) Cës particularités inorpholdgiqués se rert contrent, même chez une portion des sujets déformés dont il a été question plus haut
(p. 411).
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