le plan d’usure se courbant d’avant en arrière, décrit sur les cuspides une courbe héliçoïde presque régulière.
La première molaire vraie est plus grosse que la seconde (1). On voit en arrière de celle-ci la cavité
où la dent de sagesse était encore engagée avant la dislocation qui l’en a fait sortir. Ce sujet n’avait donc
pas encore atteint l’âge adulte; il avait cependant fortement usé déjà ses dents, et les sutures antérieures
étaient presque oblitérées.
Nous avons déjà constaté sur la race de Ganstadt le premier de ces caractères; en l’absence de pièces
suffisamment conservées, le second nous avait échappé. Les voici réunis sur le même individu fossile,
comme on les trouve associés dans quelques races actuelles occupant sur l’échelle humaine un rang
habituellement peu élevé. N’est-il pas vraiment remarquable de trouver.juxtaposées de semblables
empreintes à côté de ces témoignages d’élévation et de noblesse qui nous ont frappé dans l’examen de
la boîte crânienne? A vouloir tirer de ces faits anatomiques des conclusions, peut-être prématurées, on
serait conduit à penser que ces races à encéphale largement développé sont originairement douées de
qualités intellectuelles élevées, mais qui restent latentes par suite des conditions d’existence qu’impose
un état social peu avancé, et ce serait au genre de vie résultant de ces mêmes conditions qu’on pourrait
attribuer les caractères d’infériorité. On rendrait ainsi compte du contraste que nous venons de signaler.
Au reste nous aurons à revenir plus tard sur des considérations de cet ordre, et ce n’est pas encore
ici le lieu de les aborder avec détail.
Le fragment de mandibule ne nous arrêtera pas longtemps. Réduit à la portion la plus reculée de la
branche horizontale droite, et à une petite partie de la branche montante, il ne porte que ses trois
grosses molaires : les deux premières sont usées suivant une courbe inverse de celle que nous venons de
décrire à la mâchoire supérieure; la troisième, la dent de sagesse, est encore dans son alvéole, ce qui
vient confirmer l’impression que nous a laissée l ’examen de la mâchoire supérieure, en ce qui concerne
l’âge du sujet décrit. Cette mandibule est d’ailleurs robuste. Sa branche horizontale atteint une
épaisseur de 0m,016 environ à la seconde molaire, et sa branche montante, séparée de l’autre par une
crête aussi prononcée que celle des n08 1 et 3, semble avoir été large et portait en avant de l’angle un
talon dont la naissance est bien indiquée, malgré la fragmentation de la pièce.
Crâne de Laugerie-B asse n° 1 . — La race dont nous étudions en ce moment la conformation crânienne,
s’est déjà rencontrée à l’état fossile, ainsi que nous l’avons dit, dans un assez grand nombre de
localités fort éloignées les unes des autres. Mais son centre d’habitat plus spécial est bien le midi de
la France, et parmi nos vallées méridionales celle de la Vézère semble avoir été particulièrement fréquentée
par les hommes de ce type. A Laugerie-Basse, en effet, et à la Madelaine, deux stations fort
importantes de cette vallée, d’un type postérieur à celui dans lequel Cro-Magnon a été classé, les restes
de l’homme offrent encore les caractères spéciaux que nous venons de décrire. M. Massénat, dans le cours
de ses fructueuses recherches à Laugerie-Basse, a successivement recueilli diverses parties de crânes
reproduisant des formes très-voisines de celles dont nous avons précédemment parlé. Le crâne n° 1 de
sa collection (2), le seul crâne masculin qu’il possédât, avant sa belle découverte du mois de mars 1872,
répète d’une façon remarquable, dans les régions pariétale, temporale et occipitale auxquelles il est
malheureusement réduit, les caractères de celui du vieillard de Cro-Magnon, dont il est une copie de
dimensions réduites, surtout en travers.
Les caractères des os pariétal et temporal peuvent s’étudier complètement du côté droit, où ces os sont
presque entiers. La courbe pariétale et les bosses du même nom, la ligne courb.e temporale et la suture 1 2
(1) 'Première molaire : longueur 0m,012, largeur 0m,013. — Deuxième molaire : longueur 0oe,0 il, largeur 0m,013.
(2) Un moulage de cette pièce a été présenté à la Société d’Anthropologie par M. Broca, qui en a dit quelques mots. (Bull., 2« s.,
t. VIH, 1873, p. 217.) Le Muséum doit un exemplaire de la même demi-voûte crânienne à la générosité de son possesseur M. Elie
Massénat, de Malemort (Corrèze).
sagittale rappellent exactement ce que nous avons dit plus haut de la même région sur les crânes de Cro-
Magnon. L’os est seulement un peu plus court (0m, 130), et son méplat postérieur est un peu moins accusé,
la ligne courbe est bien marquée, sans exagération, et la suture s’efface à Fanion du tiers antérieur avec
le tiers moyen de la sagittale. L’écaille du temporal est brisée le long de son bord, nous ignorons par
conséquent sa forme, mais son apophyse mastoïde, projetée un peu en dehors, ne le cède guère en force
et en longueur à celle du vieillard de Cro-Magnon; la dépression qui la détache de la racine postérieure
du zygoma est seulement un peu moins profonde et moins circonscrite. Cette racine elle-même est assez
effacée, surtout au-dessus du trou auditif où elle disparaît presque. Enfin ce que l’on voit du zygoma se
porte largement en dehors.
L’occipital, dont il reste seulement l’écaille presque intacte, ne montre à son angle supérieur aucune
anomalie d’ossification. Mais il affecte une courbure semblable à celle de notre planche III et presque de
la même longueur (courbe occipitale supérieure, 68, inférieure, 56). Sa largeur est un peu plus considérable
que celle du crâne auquel nous le comparons, et il porte à sa surface tout ce frappant ensemble de lignes
musculaires si nettement dessinées dans la planche V de notre atlas. On n’y voit point de protubérance
occipitale détachée.
Crâne de Laugerie-B asse n° 4 (fig. 50) (1). — Le crâne de cet abri que nous désignons sous le n° 4.
fait partie du squelette entier découvert par M. Massénat, au mois de mars 1872, à une profondeur de
4 mètres et que, en raison de l’hypothèse qui a prévalu à Toulouse,
sur son mode d’enfouissement dans le dépôt ossifère, on appelle quelquefois
Y homme écrasé de Laugerie-Basse.
Dans presque toutes ses parties demeurées intactes, ce pittoresque
fossile reproduit d’une manière frappante, les traits propres aux crânes
masculins de notre station-type. Ses courbes céphaliques le rapprochent
particulièrement du crâne n° 3 de Cro-Magnon, auquel il lé'
cède d’ailleurs un peu en dimension. Son diamètre antéro-postérieur
s’arrêtant à 0m,195, son diamètre transverse maximum atteignant
Om,146, la diminution porte tout à la fois et à peu près également sur
tous les os de la voûte; le frontal ‘égal à celui du n° 3, dans les dimensions
de sa base (d. frontal min..0“,097, biorbitaire ext. 0m, l l l , bior-
Fig. 50. — Crâne de Laugerie-Basse, n° 4.
(Vi gr. nal. Mus. d’Hist. nal. Moulage.)
bitaire int. 0m,101) est un peu plus court en longueur (0m,135) et un peu plus étroit dans sa largeur
maxima (0“,118?).
Il a d’ailleurs presque toute la morphologie des crânes auxquels nous le comparons, se rapprochant
même un peu plus du n° 1 de ce même abri de Cro-Magnon, par l’existence d’une petite voussure médiane
commençant immédiatement au-dessus de la glabelle.
Le pariétal, dont il est difficile d’apprécier la longueur exacte à cause des fractures multiples dont il
est le siège, paraît mesurer 0m,125 de courbe, 0”,007 de moins, par conséquent, que le crâne auquel nous
le comparons. Nous ne savons rien de l’occipital, dont l’angle supérieur a seul été conservé (2).
Les sutures de cette voûte paraissent ouvertes et nous semblent assez simples. Si l’on se souvient
que sur le jeune sujet étudié ci-dessus sous le n° 4 de Cro-Magnon, l’oblitération du bregma était déjà
assez avancée, on se sentira disposé à admettre que l’individu actuellement à l’étude n’est pas adulte.
(1) L’étude de ce crâne a été faite sur un moulage envoyé au Muséum d'Histoire Naturelle en 1873, par M. Élie Massénat. (Voir
sur sa découverte une communication de M. 6 . de Mortillet, insérée dans le Bull, de la Soc. d’Anthrop. de Paris, 2® série, tome VH,
p. 489, 1872), et un rapport de M. Cartailhac présenté à la Société d’Histoire naturelle de Toulouse, en atril 1872.
(2) Il nous paraît sur le moule que nous avons sous les yeux que l’angle du lambda est rempli par un petit os wormien. Nous
n osons cependant pas l’affirmer, l’épreuve en plâtre qui nous a été adressée, laissant quelque peu à désirer dans sa partie postérieure.