le résultat d’une immigration autre que celle dont le professeur de Genève croit avoir retrouvé la trace.
Tout ce que nous devons retenir des pages que M. Yogt a consacrées a développer son thème, c est
qu’il a rapproché ses dolichoplatycéphales de Suisse de ces Irlandais chez lesquels, ainsi que nous
l’avons dit, le type de Canstadt s’est déjà rencontré un assez grand nombre de fois.
Nous ferons remarquer, avant de quitter pour longtemps les cantons suisses, que dans le mémoire
déjà cité, M. Prüner-Bey a juxtaposé un crâne helvétien au célèbre crâne du Neander, et que Boucher
de Perthes avait autrefois rapporté des environs de Genève une tête des temps préhistoriques qui fait
aujourd’hui partie de la collection du Muséum d’histoire naturelle de Paris, et sur laquelle nous avons
retrouvé quelques-uns des caractères dont nous poursuivons les traces parmi les populations de 1 ancien
monde.
Ici s’arrête la nomenclature des pièces de l’Europe occidentale qui peuvent être plus ou moins directement
rattachées au type fossile que nous venons d’étudier avec tous les détails qu il comporte. Déjà
bien des fois, dans ce long voyage à travers les collections de la France et de l’étranger,-nous avons
franchi l’ancienne aire occupée par les peuples dits Celtiques et par leurs plus proches voisins. Et la
constatation de divergences aussi grandes que celles que l’on a relevées entre la répartition des Celtes
d’une part et celles des premiers hommes quaternaires de l’autre, fournit un nouvel argument contré la
théorie qui confond deux groupes aussi différents d’ailleurs au point de vue anatomique.
L’invraisemblance de cette hypothèse devient de plus en plus évidente, a mesure que l'observateur
s’éloignant des terres occupées, par les Celtes de l’histoire et de la linguistique marche vers 1 Orient européen.
En effet, quelles que soient les populations actuellement dominantes, il y retrouvé aussi bieh/que
dans notre Occident, ce substratum ethnique dont nous connaissons maintenant en partie les caractères
spéciaux. Sans doute, ses observations deviennent plus rares dans ces régions dont l’anthropologie est
encore peu connue. Mais quelque petit que soit le nombre des sujets étudiés, il rencontre encore parmi
eux des preuves non équivoques de la présence de la race antique dont la trace ne s arrête du cote de
l’Est qu’au point où se sont arrêtées les investigations anatomiques sérieuses.
En Autriche, par exemple, où l’anthropologie locale date seulement d hier, on possède déjà une
pièce analogue à celles que nous avons énumérées. Ce crâne dont nous devons la connaissance -à
M. F. Luschan qui nous en a fait parvenir une bonne photographie, ressemble, de la manière la plus
frappante à celui de Kai Lykke dont nous avons donné ci-dessus le dessin (fig* 37 et 38, p. 35).
Lestâtes dolichoplatycéphales ne seraient pas très-rares dans la vallée du Danube, suivant le témoignage
d’un médecin1 2 3 4 roumain que nous avons interrogé sur ce sujet. Enfin on en a exhumé jusque dans
l’empire russe. Nous savons, en effet, que l’un des deux crânes de Minsk décrits par le docteur Kutorga,
présente « une grande analogie avec le crâne du Neanderthal » (1). M. B. Davis a publié les éléments
d’une autre pièce venue de Crimée (2), pièce qui rentrerait jusqu’à un certain point dans le type dont
nous nous occupons. Et parmi les maxillaires auxquels M. Carter Blake a trouvé le plus de ressemblance
avec la mâchoire de la Naulette, deux ont appartenu à des individus réputés slaves (3). Ajoutons, pour
compléter ce que nous savons des populations de l’empire russe, au point de vue des affinités dont
il s’agit ici, que le crâne Baskir dont Yrolik a tracé la courte description (4), pourrait bien trouver
place dans notre série. Nous n’avons pas vu la pièce, et nous ne pouvons rien affirmer. Mais cette longueur
considérable (D. A. P. = 200), cet aspect « carré » de la norma verticales; ces arcades s’avançant
« tellement au-dessus et en avant des orbites, que celles-ci et la racine du nez ont 1 air d être enfon-
(1) L. Buchner. Op. cit., p. 138.
(2) B. Davis. Thés, cran., p. 120.
(3) Carter Blake. Loc. cit., p. 297.
(4) Musée Vrolik, p. 20.
PREMIÈRE RACE HUMAINE FOSSILE OU RACE DE CANSTADT.
ra e s» ; cet intervalle mterorbitairë «fort large^tt cet qpclput proéminent, tous ces renseignements,
fonrnis’ par Vrolik, combinés avec»,l'étude des .chifFresuçbBsignés dans son catalogué, portent à ranger
son crâne Baskir à la suite de tous ceux entre lesquels-nous nous sommes efforcés d’établir un lien dans
les pages qui précèdent. S’il en. était ainsi, nous aurions suivi jusqu’aux portes de l’Asie notre type
primitif. Mais il nous faudrait, de toute'façonnons arrêter à Orembourg, où se brise entre nos mains
la chaîne d’observations ininterrompue jusque-là. Ce n’est qu’en Perse et dans l’Afghanistan que nous
R u rrio n s reoommenoer nos recherches. Mais les faits bien détailléjhïbns font encore défaut, et quoique
MM. de Khanikoff, Bellew, 'Williamson, Duhousset, B. Davis et d’autres encore aient donné sur les
Bélôutçhes, les Persans, les Afghans, les C.andahars, etc., de fort bons renseignements, il ne nous paraît
pas .possible de tirer parti du peu que l’on sait de ces races, très-mélangées, dans la question que nfl|s
examinons ici.
Nous en dirions autant des peuples de l’Inde, si,.parmi les documents anthropologiques que nous connaissons
de la presqu’île jm-deçà du Gange, nous n’avions pas trouyè des indications qui nous portent
à croire que certaines tribus des montagnes appartiennent à un groupe ethnique assez peu éloigné de la
race de Canstadt, pour que nous devions an moins indiquer leurs ressemblances en terminant ce
c h a p itri® Ceci nous amène, du reste, à examiner sommairement l’une des formes céphaliques des
populations australiennes que nous ailons rapidement étudier avec M. ïê professeur Huxley, le premier
■ anatomisS qui ait songé à rapprocher ce type inférieur actuel de notre type fossile.
M. Huxley n'est pas arrivé du premier coup à cette constatation. Dans. ses. Observations au sujet des
crânes, humains d’Engis et du Neanderthal imprimées ap cinquième chapitre du livre de^sir. Çh. Lyell
sur l'Ancienneté de rhommet®, i l ’avait feit , d « ; ^ « ! ^ ^ l ’o e ^ p n des comparaisons qu’il instituait
déjà. Il avouait qu’on pouvait invoquer plusieurs différences anatomiques secondaires pour contester
que oes hommes ’fosSil4éS:fsoient de la même race que les Australien^, mais, il insistait,volontiers sur
l|ê s similitudes si fortes de leur configuration générale(3). Et Iorsqù|,’. peu de temps après,!il put mettre en
parallèle§1 crâne du Neandpr, non plus avec le crâne australien en général, mais avec un crâne australien
d’un type particulier, il s'attacha à montrer, à l’aide d’u n ^ ^ ^ d e ''^ p e rp o si« o à ''|4 );|«;îç i ,a suffirait
d’aplatir et d’allonger qtféique peu » cette tête de Port-Western. « en augmentant dans la même proportion
les arcades surcilières, pour lui imprimer une forme identique^.)’ a celle de la tête fossile.
Cette comparaison que nous tenons pour exacte, quoique son .auteur lui ait donné une forme diffici-
ement acceptable f§ , serait bien? plus remarquable, si, au lieu s e choisir l’homme du Neander pour
cette superposition, on së; servait de la courbe moyenne des divers individus fossiles étudiés plus haut
(fig. 16, p. 19).
Ce type australien de Port-Western n’est pas le plus abondamment répandu sur le continent australien.
Et cette rareté relative rend compte des divergences d’opinions qui se sont produites entre les anatomistes
au sujet de la comparaison de M. Huxley (6). Si, en effet, l’on constate sur la plus grande partie
des crânes de la Nouvelle-Hollande rassemblés dans nos musées, la saillie des arcades surcilieres, 1 étroitesse
relative de la région frontale, la dépression pariétale postéro-interne, la projection de 1 occipital
en arrière, etc., etc., accompagnés d’un degré considérable de prognathisme, beaucoup de ces crânes
ont une grande hauteur, au moins égale à celle que l’on observe dans beaucoup d'autres races, et
(V) Cf. E. T. Hamy. (Revue d,'Anthropologie, t. I, p. 682, 1872.)
(2) Ch. Lyell. Op. cit., trad. fr. Paris, 1864, p. 83.
(3) Loc. cit., p. 92-93.
(4) Th. Huxley. De la place de l'homme dans la nature, trad. fr. Paris, 1868, p. 308 et fig. 54.
(5) S’il était permis, en effet, pour motiver un rapprochement entre deux races humaines, de pétrir en quelque sorte leur crâne
par la pensée, et de supposer de telles modifications, rien n’empécherait de confondre des types bien éloignés.
(6) Cf. Schaaffhausen. Sur le crâne du Neanderthal, (Bull. Soc. d’Anthrop. de Paris, t. IV, p. 316-317, 1863) etc.