célèbre vallée où nous venons d’étudier ses restes, vers les Pyrénées et la Méditerranée, les vallées de
la Saône, de la Seine et de la Meuse. Dans la première de ces directions, les stations où elle a laissé ses
débris osseux sont au nombre de trois ou quatre. Ce sont Bruniquel, aux bords de l’Aveyron, Aurignae
Fig. 55. — Crâne de Lafaye (Bruniquel),
n° 1 (vu de profil, V* gr. d'après une photographie).
(Mus. d'IIist. nat. de Mon-
tauban.)
et Montrejeau dans la Haute-Garonne, et peut-être Aurensan dans les
Hautes-Pyrénées. -
La première de ces quatre localités est de beaucoup la plus importante
à notre point de vue. Nous avons déjà dit qu’elle a fourni deux
crânes presque entiers. L’une de ces deux pièces, dont le sexe masculin
ne saurait être mis en doute, trouve naturellement ici sa place.
Ce crâne, exhumé par M. Brun de l’abri sous roche de Lafaye,
en 1866, a été brièvement décrit par M. Prüner-Bey au Congrès international
d’Anthropologie préhistorique de Paris (1). Le dessin ci-joint
qui le représente, réduit au quart de sa grandeur naturëlle d’après une
photographie, permet de constater qu’il nè s’écarte un peu du type de
notre seconde race quaternaire que dans sa moitié postérieure. Sa
région frontale paraît avoir sensiblement la même incurvation que celle
de la pièce-type décrite plus haut; la hauteur du bregma au-dessus du bord antérieur du trou occipital
ne diffère que de 0“,001 de la même mesure prise sur le crâne n° 1 de Cro-Magnon, (diam. vert, bas;
breg. 0m, 133) (M. Brun), mais la courbe sagittale descend brusquement comme sur le n° 3 de Cro-
Magnon, (fig. 48) et comme le refoulement en arrière de l’écaille occipitale signalé sur ce dernier est nul
sur le crâne de Bruniquel, il en résulte que le diamètre antérieur est un peu raccourci (0m, 184), et que
les courbes pariétale et occipitale réunies donnent un total un peu plus faible (0m, 250). Les dimensions
en largeur, que M. Brun nous a fait connaître, se rapprochent très-sensiblement de celles du crâne n° 3
de Cro-Magnon. Le diamètre frontal minimum est de 0m, 094, et le transverse maximum mesure 0“,138.
L’indice céphalique par conséquent est juste égal à 75.
Ces résultats positifs s’éloignent considérablement, on le voit, de ceux qu’avait annoncés M. Prüner-
Bey au Congrès de 1867. Pour ce savant, le crâne de Bruniquel était « déformé par la compression posthume
» et il était « impossible d’en établir avec précision l’indice céphalique ».
M. Prüner croyait que le crâne avait été « originairement brachycéphale » et il laissait volontiers
de côté des mensurations qui allaient à l’encontre de sa doctrine. A cette date, d’ailleurs, les pièces de
Cro-Magnon n’étaient pas encore découvertes, et notre collègue soutenait encore énergiquement la théorie
de l’homme primitif brachycéphale. Il voyait des arguments en faveur de sa manière de voir, dans l’écartement
des cavités glénoïdes et la direction excentrique du zygoma, caractères incontestablement liés à
un vaste développement de la face en largeur. Nous savons aujourd’hui que ce développement combiné
avec l’élongation du crâne, est précisément l’un des traits essentiels de l’anatomie de notre grande race
quaternaire du midi de la France.
Mais, avant de passer à l’étude des caractères faciaux, terminons ce qui touche au crâne. Les photographies
de M. Brun nous le montrent répondant par tout son contour transversal, par les détails des os
pariétaux, temporaux et occipitaux à ce que nous avons observé sur les têtes précédemment étudiées.
Nous remarquerons, entre autres particularités intéressantes, les anomalies d’ossification dont le lambda
est le siège. Trois os wormiens assez volumineux s’étalent sur une surface qui n ’a pas moins de 0m,02 de
haut sur 0“, 06 de large. Cette multiplication des points d’ossification qui semble coïncider avec un
moindre degré d’oblitération des sutures postérieures, rappelle assez bien celle du n° 3 de Cro-Magnon
(1) Pruner-Bey. Discours sur la question anthropologique. (Gongr. Internat. d’Anthrop. et cPArch. prèhist., 2° sess. Paris, 1867,)p. 348.
plusieurs fois citée déjà. La base du crâne est vigoureuse et présente de solides insertions musculaires.
Nous retrouvons sur les côtés la dépression transverse sus-mastoïdienne signalée plus haut chez les
aborigènes de la Vézère.
La face de notre sujet est très-large, par conséquent sa tête est disharmonique puisque cette dilatation
en travers coexiste avec une dolichocéphalie assez accentuée. Mais l’état de fragmentation du maxillaire
supérieur et de nombreuses pertes de substance ne permettent pas d’apprécier par des chiffres ce caractère
important. Nous pouvons seulement constater que sur l’homme de Bruniquel comme sur nos autres
fossiles ce développement a principalement son siège dans les parties latérales supérieures et moyennes
de la face. Le diamètre interorbitaire ne nous montre rien d’exceptionnel, et les fosses nasales sont
étroites et allongées. Mais les apophyses orbitaires se projettent en dehors, aussi bien que les maxillaires
supérieurs, les malaires, etc. Au-dessous de ces derniers os, la mâchoire se rétrécit brusquement; en même
temps s’accentue ce prognathisme alvéolaire dont nous avons parlé et que notre figure 55 représente suffisamment.
Le rétrécissement sous-malaire se fait sentir à toute la voûte palatine, remarquable d’ailleurs
par son peu de profondeur et sa voussure médiane beaucoup moins accentuée toutefois que celle de
notre planche V. Les dents sont extrêmement usées dans la direction indiquée plus haut; cette usure
est assez profonde pour que les incisives et les canines soient surmontées de vraies couronnes, presque
carrées pour les premières, et circulaires pour les secondes. Le diamètre de ces dents de dedans en dehors
varie de 0m, 007 à 0m, 007 et demi.
La mâchoire inférieure, que l’esquisse ci-dessous montre superposée à celle de Cro-Magnon, et à celle
d’un gisement belge dont il sera parlé plus loin (fig. 56), rentre, on le voit, dans le type que .nous avons
fait connaître (p. 49). Elle est robuste et massive en même temps, ses branches divergent sous un angle
de 58° (M. Brun), sa hauteur symphysaire (0”, 033) l’emporte un peu sur celle de l’os au niveau de
la seconde grosse molaire (0m, 028). Le menton est beaucoup moins anguleux. L’arc alvéolaire, surmonté
de dents usées comme celles de la mâchoire supérieure, mais en sens inverse pour les molaires, est surtout
remarquable par la compression latérale des canines et des incisives, par le développement de la
première et de la seconde grosses molaires égales en largeur, et par l’atrophie relative de la dent de sagesse.
La branche montante solidement reliée à l’horizontale sous un angle d'environ 110°, est moins
étalée que sur le vieillard de Cro-Magnon. Elle atteint, toutefois, encore 0“, 039, (larg. transv.); sa largeur
oblique est de 0m, 036, son angle inférieur est extroversé comme celui de la mandibule de la Made-
laine, et porte un talon, comme le n° 4 de Cro-Magnon. Cette branche est surmontée d’une apophyse
Qüathefaqes et Hamy. g ■