Les crânes que M. Ecker a fait connaître (1), au nombre de trois, offrent avec les Noubas du même
auteur maintes analogies frappantes. Par exemple, si le diamètre antéro-postérieur moyen est un peu
allongéi(d. a. p. 0“,18L), le diamètre transverse n’est pas moindre (d. tr. max. 0”,138), et l’indice céphalique
atteint 76,24 (2). Le diamètre frontal minimum est de 0m,095, mais' le reste de la face se développe
un peu plus en haut et en large. Le crâne est moins plat, les courbes antéro-postérieures de la voûte s’allongent
d’un centimètre, et la circonférence horizontale gagna un peu plus du double (23mm). Pour tout le
reste ces crânes Gallas rappellent exactement la plupart de ceux dont il vient d’être question, les Takalés
exceptés, bien entendu.
Crâne de Schangalla. — Le crâne de Schangalla, rapporté par Rüppel en 1825 des bords du Bahr
el Abiad, et publié vingt ans plus tard par vM. Lucæ à Francfort (3), paraît ne point s’écarter sensiblement
du même type ethnique. Sa longueur et sa largeur égalent 0m,183 et 0“,143, et l’indice
céphalique qui résulte de la comparaison de ces chiffres est de 78,14. Nous croyons retrouver sur la
belle planche de M. Lucæ la plus grande partie des traits précédemment détaillés ; les formes générales
des profils crâniens et faciaux s’accordent notamment avec celles que nous ont donné les crânes qui
viennent d’être passés en revue.
Crânes de F ertits. — Russegger avait cru pouvoir distinguer expressément des Noubas les habitants
du Dar-Fertit. Les renseignements que l’on possédait jusqu’à ces derniers temps sur ces Noirs étaient
tellement vagues qu’il avait toujours été impossible de contrôler cette assertion du savant voyageur.
M. Ecker a publié, dans la monographie et dans le catalogue cités plus haut, des renseignements numériques
et huit dessins se rapportant à deux pièces de cette tribu (4). On ne saurait méconnaître les analogies
nombreuses que les sujets, ainsi mis en lumière, présentent avec l’ensemble de ceux dont il
vient d’être question dans les paragraphes qui précèdent, et avec les Gallas plus spécialement. L’indice
est plus faible, 76,66, par élongation et rétrécissement simultané de la voûte; les courbes médianes sont
un peu plus étendues, mais la hauteur est presque semblable, les mesures transverses se ressemblent
beaucoup et la circonférence horizontale est la même, à un millimètre près. Les faces offrent avec celles
du Nouba adulte de la même série une grande analogie, celle du premier sujet en particulier. Nous y
retrouvons l’exagération d’épaisseur de la racine du nez, le prognathisme redressé, les pommettes massives,
le nez court et large, l’intermaxillaire élevé, etc.
Yon Heuglin attribue aux Fertits l’habitude constante de s’appointir les incisives (5).. Sur les deux
spécimens que M. Ecker a représentés, les incisives supérieures sont en effet taillées en dents de scie.
Nous retrouverons cet usage chez un certain nombre d’autres tribus africaines, chez les Niams-Niams en
particulier, dont nous allons maintenant dire quelques mots.
Crânes de Niam-N iams ou Sandés. — Les Niam-Niams, ou, comme ils s’appellent eux-mêmes, les
Sandés, situés au sud des Fertits, ont été l’objet des commentaires les plus variés, dans un grand
nombre d’ouvrages sur l’ethnologie africaine. On ne possède cependant de renseignements précis sur ce
(1) A l. Ecker. Op. cit., s. 17, taf. 1 0 , 11.
(2) Les Oua-Djaggas qui habitent lé pied du Kilitna-Ndjaro, et que l’on rattache aux Gallas, ont aussi « la tête plus large et
moins longue que n’est le crâne nègre ordinaire », suivant "Von der Decken (H.Duveyrier. Compte rendu des voyages de M. C. G. von der
Decken, in Bull. Soc. de Géogr., 6® série, t. V, p. 164, 1873). Ces Oua-Djaggas (le préfixe Oua, Voua, Wa, est le signe du pluriel dans
les langues ostro-nègres, au singulier on dit Mou) semblent être les descendants devenus sédentaires des terribles Jaggas,
qui, au XVI® siècle, ont ravagé une grande partie de l’Afrique équatoriale jusqu’au Congo (Id., ibid., p. 163).
(3) J. C. G. Lucæ. Zur organischen Formenlehre. Frankfurt-am-Main, 1845, in-4®, taf. VIII.
(4) Al. Ecker. Op. cit., s. 5, taf. 1 et 2. — Nous supposons qu’il y a eu une erreur de composition dans le mémoire de M. Ecker-
car j les tableaux de mensuration de chacun de ces deux Fertits sont identiques d’un bout à l'autre, ce qui donnerait à supposer que les
deux pièces auxquelles ils se rapportent sont absolument semblables, ce qui est assez peu vraisemblable. On a peut-être imprimé
deux fois le premier tableau et oublié d’imprimer le second.jOn trouve dans le catalogue cité plus haut (p. 30) des renseignements sur
un troisième Dar-Fertit, dont l’origine est très indécise, et dont nous nous bornons à faire mention.
t, (5) Von Heüglin. Petermann’s Mitllieilung. Ergânzungsheft, n. 2, s. 158.
peuple 'féroce 'que .depuis .le récent voyage de. M. Schvveinfürth (1).-Les détails fournis par ce
voyageur, oombinésiavec quelques renseignemenfesoraux qui nous ont étéoommqniqués par MM. Manette-
Bey et Chaillé-Long-Bey nous engagent; ù placer les Sandés, au moins provisoirement, dans le groupe
ethnique .dont nous!cherchons à' préciser quelque.p'eu les oaractères et l’extension géographique.
M.'Schweinfürth attribue en effet aux Niams-Niams une tête; arrondie et développée en largeur. « Le
vaste'ëspace qui sépare, leurs yeux atteste-, diféil, la largeur inusitée, de leur crâne». It/parle encore de
leur nez plat et carré, deileur bouche aussi large que,le nez,, de leur menton rond, de leurs joues pleines,
enfin de l’aspect généralement arrondi de leur yisage (2).
M. Hartmann a figuré dans son:livre surfil»,Nègres (3) un Sondé vu de face, qui justifierait assez
Vdlhtiers le rapprochement qui vient d'être proposé. Un portrait de Sandé, représenté dans la Zeitschrift
de;18-73::(4), quelques autres dessinés p a r M. Scbweinfürth dans sa relation de voyage (5), deux pho
tographies enfin de M. Chaillé-Long-Bey, montrent également- des.caractères physioppmiquBS qui semblent
fort voisins de .ceux d es‘peuples,examinésrjpjlsédiemment dans le cours de,ce.chapitre (6). Nous
croyons toutefois devoir réserver, notre jugement définitif jusqu'au moment oh l’étude, de quelques crânes
bien authentiquesâioiis aura permis de, l’âgi*oir sur des bases anatomiques. Nous observerons, en terminant,
que m: Hartmann a parlé ailleurïduïis Je bel ouvrage que nous yehqns de citer (7) d analogies qu il
a>qùnistetéps. lentre. lel NiimsrNiams de,,Schweinfürth et divers autres Nçsjrs, d’origine indéterminée,
qu'il,a pu.voir en Égypte, quelques Noubas sans dqutfttfjpuparmi nos, troupes algériennes, qui comptent
.habituellement dans leurs rangs un certain, nombre de ces Haûussas, dont i|gera bientôt question (8).
■ Crânes de Foûrs. — M. Ecker parle, dans le mémoire.,souvent citéoplns haut, de deux crânes du Dar-
foûr,. qui,comme tous les autres crânes du N.-E. de l'Afrique, décrits dans ce travail, font partie de la
collection adressée par le D’ Bilharz au musée de Fribourg en Brisgau (9). L’une dé ces pièces, venue de
Kohi, la oapitale du Foûr, est absolument nigritique, tandis que Êautre (10), dont l’o n g le précise n est
(1) G. Schweinfürth. Au cour de l'Afrique, trad. franç. Paris,1875, in-S0,' t. II. chap. xm. , .
2 Lcjecn.qui, te premier de tous tes voyageurs européens, a brièvement décrit, d’après nature, une femme Niam-N.cm 1 a donnes
comme « d’un type réguliér, qui tient le milieu entre celui des Noirs et celui des Gallas. » (Tour du Monde, III, W -
(3) JR. Hartmann. Die Nigrüier, eine anthropologisch ethnologische Monographie. I Th., taf. XIII, fig. 5. Berlin, 1876, m-8®.
(4) Bd V, s. 310, taf. IX, 1873. .
(5) G. Schweinforth. Op. cit.',‘ t . I, pp. 406, 407„408, 420, t. II, pp. 6, 25.
.:_4É! 9w n t H ou ’Bobrs’jT interposés aux Niams-Niams et aux Dinkasi,’ ils » rappreciement des Niams-Niams par la
B r a e u r relative de leur tête M. S , Sch’iseinfürth les classe parmi les spùs-brachyrfphalee. (irait. jS ® J 254) ; mais us en
diffèrent profondément à bien d’autres égards, et en l’absence de doenments posiüîs'nous sommes obliges d^nOTO borner a les
menïibnner ici, en même temps que les Mitions M B B H etc. ‘Nous ne serions!point1 étonnés que- ceCNcgres,-d un brun plus on
moins ronge, aient pour point de départ quelque croisement de Nègres mimiques avec tes vrais Éthiopiens dont ils reproduisent nn
certain nombre de traits de moeurs, d’usages, etc. La publication des documents anatomiques recueillis par M, Schwemfurth et .que
M. Hartmann va faire figurer dans son deuxième volume, permettra probablement | f résoudre ce'auneux problème ethnologique.
La collection' Schwemfürth contient, en effet, 29 crânes de Bongos, 17 crânes Momvous, « Gbettouks, .3 Mombouttous, 5 Dinkas. et
quelques Djours, Nouers, etc.
(7) II. Hartmann, s. 458. 1 u- , , ,
■ g Guyon observait, dès 4844, dans une note adressée à Flourens, f e u e fions avons retrouvée dans les archives du laboratoire
d’Anthropologie du Muséum, que » les Nègres qui habitent le Nord de l’Afrique proviennent de l’intérieur, et de deux centres principaux
: le pays d’Haoussa, cap. Kaoo, à l’Est, et Tombouctou à l’Onosl. ..TLajontsgulpn pourrait dire de la plupart, qu ils n ont du
Nègre que la peau, la couleur,! et qu'ils « semblent former, dans la race noire, le passage entre les Nègres a.Iront déprimé, avec
mâchoires saillantes, de l’Afrique occidentale, et ceux de l’Abyssinie. . Celle observation n’est pas sans quelque justesse, en ce qui
concerne au moins les Haoussas dont il est question ci-après, car pour les Sonrhays de Tombouctou, Guyon s est c arD p us tar
montrer qu’ils offrent portés au maximum les traits des Nègres les plus caractérisés.
(9) Ai.. Ecker. Op. cit., p. 20. ' P Tr
(40)-Id. Ueber die verschiedene Erùmmung des Schâdelrohres beim Neger und beim Europæer (Archiv fur. Anthrop., bd , a . ,
iig. i und fig. 36, s. 288, 4870).— Les vrais Foûrs, alliés aux Noubas, n'habitent plus aujourd’hui, à l’état pur, que la partie montagneuse
du pays, c’est-à-dire la chaîne du Djebel-Marrah. Presque partout ailleurs, la population est en majeure partie composée de Negres
proprement dits entre lesquels se distinguent particulièrement lés Kangaras. Le crâne de Kobi de la collection Bilharz est probablement
celui d’un de ces Soudaniens.
Quatrefages et Hamy. 44